Le tribunal de l'ONU enquêtant sur l'assassinat du dirigeant Rafic Hariri a remis jeudi un acte d'accusation sous scellé et quatre mandats d'arrêt au procureur général à Beyrouth, une affaire qui divise le Liban et fait craindre de nouvelles violences.

Le chef de l'opposition parlementaire et fils de Rafic Hariri, Saad Hariri, a salué un «moment historique» après de «nombreuses années de patience et de combat», appelant le gouvernement de Najib Mikati, dominé par le camp du Hezbollah, à respecter les résolutions internationales.

«L'acte d'accusation et les mandats d'arrêt qui l'accompagnent ont été transmis le 30 juin 2011 aux autorités libanaises», a indiqué le Tribunal spécial pour le Liban (TSL), qui siège à La Haye, dans un communiqué.

L'acte d'accusation dans l'enquête sur l'assassinat du Premier ministre libanais Rafic Hariri en 2005 avait été confirmé mardi par le juge de la mise en Etat, le Belge Daniel Fransen.

«La confirmation de l'acte d'accusation signifie que le juge Fransen est convaincu qu'il existe de prime abord des moyens de preuve justifiant l'ouverture d'un procès», souligne le TSL, tout en précisant qu'«il ne s'agit pas d'un verdict de culpabilité».

Le Tribunal souligne que M. Fransen a décidé que l'acte d'accusation devait demeurer confidentiel afin «d'aider les autorités libanaises à s'acquitter de leur obligation de procéder à l'arrestation de l'accusé ou des accusés».

Un peu plus tôt dans la journée, Farès Souaid, un responsable de l'opposition, avait affirmé qu'«un groupe d'experts du TSL (avait) remis aujourd'hui au procureur Saïd Mirza l'acte d'accusation». Une assertion confirmée par un responsable du gouvernement.

«Les mandats d'arrêt ont été délivrés sous scellés et doivent être exécutés à l'encontre de quatre Libanais», a précisé une source judiciaire libanaise sans fournir d'autres précisions.

Selon des médias locaux ayant identifié les quatre suspects, au moins deux sont membres du puissant mouvement chiite armé du Hezbollah, un allié des régimes syrien et iranien.

Le Hezbollah, qui s'attend depuis des mois à être mis en cause par le TSL, a provoqué en janvier la chute du gouvernement d'union de Saad Hariri après le refus de ce dernier de cesser toute coopération avec le tribunal.

Son successeur, Najib Mikati, a appelé jeudi à agir de façon «responsable et réaliste» après la remise de l'acte d'accusation, «en gardant en tête que ce sont des accusations et non des verdicts».

Le gouvernement libanais a indiqué de son côté dans son programme de politique générale rendu public jeudi «qu'il suivra les procédures du Tribunal spécial pour le Liban mis en place pour que la justice soit rendue hors des considérations politiques ou de vengeance».

Le cabinet a toutefois précisé qu'il le ferait «tant que cela n'a pas d'impact négatif sur la stabilité du Liban et la paix civile», ce qui signifie, selon les observateurs, qu'il ne coopèrera pas avec le TSL.

Paris, Washington et l'ONU avaient exprimé leur inquiétude face à l'éventualité de voir le nouveau gouvernement cesser toute coopération avec le TSL. Ils lui avaient rappelé ses «engagements internationaux», notamment concernant le financement du TSL, auquel Beyrouth participe à hauteur de 49%.

Le TSL, créé en vertu d'une résolution de l'ONU, est chargé de juger les auteurs présumés de l'attentat qui a coûté la vie à Rafic Hariri et à 22 autres personnes le 14 février 2005 à Beyrouth, au moment où le Liban était encore sous tutelle de la Syrie voisine.

Le Liban a désormais 30 jours pour exécuter les mandats d'arrêt. Si les suspects ne sont pas arrêtés durant cette période, le TSL rendra public l'acte d'accusation et convoquera les suspects devant le tribunal.

L'assassinat de Rafic Hariri, un musulman sunnite et architecte de la reconstruction du Liban, avait plongé le pays dans une profonde crise et déclenché «la Révolution du Cèdre», qui avait forcé la Syrie à retirer ses troupes du Liban deux mois plus tard.

Le Liban s'était alors divisé en deux camps, une fracture qui a culminé avec des heurts confessionnels sanglants entre chiites et sunnites en 2008 qui avaient failli plonger le pays dans une nouvelle guerre civile.

Une accusation du Hezbollah fait craindre un nouveau cycle de violences.