Le roi de Jordanie Abdallah II a fait l'objet lundi d'une rare agression lors d'une visite en province, selon une source sécuritaire contredite aussitôt par le gouvernement, au lendemain d'annonces de réformes politiques accueillies avec scepticisme par l'opposition.

Le royaume hachémite fait l'objet depuis le mois de janvier de manifestations réclamant des réformes politiques et économiques, ainsi que la fin de la corruption. Ces protestations n'ont toutefois aucune mesure avec celles qui ont secoué en janvier et février l'Égypte proche, et encore moins avec le mouvement réprimé dans le sang en Syrie voisine.

Reste que la famille royale, traditionnellement respectée par les Jordaniens, est depuis février la cible de critiques régulières, sur fond d'accusations de corruption démenties par le palais royal.

Et les événements survenus lundi à Tafileh, localité située à 179 km au sud d'Amman, s'ajoutent à ces critiques inédites.

Venu présenter des projets de développement totalisant des millions de dollars d'investissement, le roi a été reçu par des projectiles, a dit à l'AFP une source sécuritaire.

«Une partie du convoi du roi a été attaqué avec des pierres et des bouteilles vides par un groupe de jeunes hommes âgés entre 20 et 30 ans après que la voiture du roi a pénétré dans Tafileh», a indiqué.

«Environ 60 personnes ont lancé des pierres sur les policiers, en blessant 25, dont un gravement», a ajouté une autre source sécuritaire, un membre du palais royal confirmant également qu'il y avait eu des blessés.

Mais Amman, soucieux de montrer que la Jordanie se distingue des autres pays arabes frappés par des mouvements de révolte, a aussitôt minimisé les incidents, le porte-parole du gouvernement parlant «d'une dispute entre la police et des gens qui voulaient saluer le roi».

«Le convoi de sa majesté n'a pas été attaqué», a affirmé à l'AFP ce porte-parole, Taher Adwan. «Personne n'a été blessé et le cortège a modifié son trajet.»

«Les images prises pendant la visite à Tafileh prouvent» qu'il n'y a pas eu d'attaque, a assuré à l'AFP une source au palais royal.

Depuis plusieurs semaines des jeunes de cette ville manifestent pour appeler à la chute du gouvernement. Vendredi encore, près de 3.000 personnes ont manifesté à Tafileh et dans d'autres villes du sud. Des rassemblements ont également eu lieu dans la capitale. En mai, des manifestants avaient tenté d'empêcher le convoi du premier ministre Maarouf Bakhit d'entrer dans Tafileh.

Comme en Tunisie et en Égypte, la lutte contre la corruption constitue le fer de lance de l'opposition, qui, longtemps morcelée, s'est unie mi-mai en un Front national pour la réforme (FNR).

Dirigé par l'ancien Premier ministre Ahmad Obeidat, cette coalition regroupe notamment le puissant Front de l'action islamique (FAI), des syndicats et des partis de gauche, et a élaboré «une stratégie nationale de réformes sur la voie de la démocratie».

En réponse, Abdallah II -qui désigne et limoge le premier ministre- a créé fin avril une commission chargée de proposer une réforme constitutionnelle.

Et dimanche soir, il a tenu son premier discours télévisé depuis le début des protestations.

Il a affirmé qu'une nouvelle loi électorale permettra «un processus électoral équitable (...) qui mènera à la formation de gouvernements basés sur une majorité parlementaire», tout en dénonçant «les diktats de la rue et l'absence de la voix de la raison».

Le roi «n'a pas précisé les modalités d'application et rien ne garantit que ces idées verront le jour», a commenté à l'AFP Zaki Bani Rsheid, chef du bureau politique du FAI.