Changer la stratégie militaire en cours en Afghanistan est prématuré, a estimé samedi à Kaboul le secrétaire américain à la Défense, assurant que le début prochain du transfert de la responsabilité de la sécurité aux Afghans n'entraînerait pas de départ précipité des alliés.

Robert Gates, qui a entamé samedi son ultime visite en Afghanistan avant de quitter prochainement ses fonctions, a appelé à maintenir la stratégie actuelle et à évaluer les progrès à la fin 2011.

La consolidation d'ici à la fin de l'année des progrès réalisés sur le terrain pourraient créer une «brèche» en vue de négociations avec les insurgés, a-t-il expliqué, ou au moins «nous pourrons dire que nous avons franchi un cap en Afghanistan».

«Tout changement avant cette date serait prématuré», a-t-il estimé.

Dans la matinée, M. Gates avait déjà annoncé «entrevoir de réelles perspectives» courant 2012 pour de possibles négociations de paix avec les insurgés talibans qui combattent depuis bientôt dix ans le gouvernement afghan et la coalition qui le soutient.

S'exprimant samedi au côté du président afghan Hamid Karzaï, à l'issue d'un entretien, M. Gates a assuré également que le début, en juillet, du processus dit «de transition», marqué par le transfert graduel de la responsabilité de la sécurité aux forces afghanes d'ici fin 2014, n'entraînerait pas un départ précipité d'Afghanistan des membres de la coalition.

«S'il est possible que les États-Unis et nos partenaires de la coalition retirent des troupes petit à petit (...) Il n'y aura pas de précipitation vers la sortie», a-t-il assuré.

L'Otan devra rester en Afghanistan «aussi longtemps que nécessaire», avait averti fin mai le secrétaire général de l'Alliance atlantique, Anders Fogh Rasmussen, jugeant qu'une sortie rapide d'Afghanistan était encore «prématurée».

Les États-Unis doivent commencer cet été à retirer une partie des 90.000 soldats américains déployés dans le pays - sur les 130 000 que compte l'OTAN -, alors que le conflit est de plus en plus impopulaire dans de nombreux pays de la coalition.

L'ampleur - pour l'heure inconnue - de ce retrait ne doit pas être déterminée par le coût du conflit (pour lequel les États-Unis dépensent 120 millions de dollars par an), comme l'ont récemment suggéré des responsables et élus américains, a estimé M. Gates peu avant son arrivée à Kaboul.

Il a néanmoins averti que l'engagement occidental en Afghanistan «était fort et durable, mais (...) n'était pas sans limites, ni en matière de durée ni en ressources», appelant les forces afghanes à «prendre l'initiative et davantage de responsabilités» pour que la transition réussisse.

M. Gates a par ailleurs dit «regretter profondément» les pertes civiles causées par les forces de l'Otan en Afghanistan, sujet de friction récurrent entre Kaboul et ses alliés.

Le président Karzaï, dont les relations avec ses alliés occidentaux sont de plus en plus tendues, reproche depuis longtemps à la coalition de tuer des civils lors de ses opérations, mais les termes employés sont devenus nettement plus virulents ces derniers jours.

Il a lancé fin mai un «dernier avertissement» aux responsables américains, après la mort de plusieurs civils dans une frappe de l'OTAN, avant d'affirmer le lendemain que les Afghans risquaient de considérer celle-ci comme une «force d'occupation» si ses opérations continuaient à se solder par des pertes civiles.

M. Karzaï a annoncé samedi avoir demandé à M. Gates d'«interdire» les «bombardements aériens sur les habitations».

«Nous avons aussi parlé de la poursuite de la coopération entre les États-Unis et l'Afghanistan (...), du (projet de) partenariat stratégique avec les États-Unis», a-t-il ajouté.