Le gouvernement irakien risque un retour de flamme au terme des 100 jours qu'il s'était donnés pour répondre à la grogne sociale, aucun grand problème n'ayant été réglé durant cette période d'essai qui lui aura permis, au mieux, de gagner du temps.

D'ores et déjà, des appels à manifester ont été lancés pour après le 7 juin, date de l'échéance du délai que le premier ministre Nouri al-Maliki avait accordé à ses ministres pour faire leurs preuves, en laissant planer la menace d'un possible remaniement.

Ces trois derniers mois, le gouvernement, qui a multiplié les visites de terrain très médiatisées, a lancé des chantiers de voirie, signé des contrats de construction de logements et annoncé un projet de subvention du carburant pour les générateurs privés palliant la grave pénurie de courant.

«Les 100 jours étaient une décision astucieuse pour gagner du temps et faire retomber la pression», explique Ali al-Saffar, un spécialiste de l'Irak au sein d'Economist Intelligence Unit, basé à Londres.

L'Irak a connu en début d'année ses plus importantes manifestations depuis la chute du régime de Saddam Hussein en 2003, et des milliers d'Irakiens inspirés par la contestation dans les autres pays arabes ont conspué l'inefficacité de la classe politique.

«Mais le délai était probablement beaucoup trop court pour obtenir des résultats durables et on ne pouvait espérer que des mesures populistes à court terme», estime M. Saffar.

Pour Reidar Visser, rédacteur en chef du site www.historiae.org, le bilan est maigre. «Aucun progrès n'a été fait sur la question cruciale du maintien ou non des forces américaines et rien ne permet de penser qu'il y aura une amélioration significative à court terme en matière d'infrastructures de base, notamment sur l'électricité».

À sept mois du retrait prévu des 45 000 soldats américains, l'Irak n'a toujours pas tranché la question d'une demande de prolongation du mandat américain, qui permettrait pourtant de pallier l'impréparation des forces irakiennes.

«Même le gouvernement demeure incomplet», a rappelé M. Visser, en référence aux portefeuilles de la Défense, de l'Intérieur et de la Sécurité nationale, toujours vacants cinq mois après la formation d'un gouvernement d'union.

«Or si M. Maliki ne fait aucun progrès rapide dans ces domaines, il sera de plus en plus vulnérable face aux groupes capables de mobiliser la rue», prédit-il.

Faute d'avancée palpable dans le dossier crucial de l'électricité, le sud de l'Irak pourrait connaître avec le retour des grandes chaleurs de nouvelles émeutes meurtrières, comme en juin 2010.

Pour Marina Ottaway de la Fondation Carnegie, le problème est que M. Maliki a passé l'essentiel des 100 jours à «faire de la politique plus qu'à mettre en oeuvre des politiques».

«Il a ferraillé avec (le président du Parlement Oussama) al-Noujaifi pour savoir qui évaluerait les ministres, puis avec les gouverneurs et les conseils provinciaux pour tenter de leur rejeter la faute», note-t-elle.

Le 27 février, M. Maliki avait affirmé qu'au terme des 100 jours, un bilan serait tiré «sur les échecs et les réussites de chacun». Mais rien ne dit qu'il mettra à exécution sa menace de limoger des ministres.

D'une part, le délai était «très subjectif», comme l'indique M. Saffar: «Les résultats sont difficilement mesurables puisque les objectifs étaient flous».

D'autre part, il a fallu neuf mois de tractations après les législatives de mars 2010 pour que soit investi un gouvernement d'union pléthorique aux équilibres politiques fragiles.

«Le limogeage d'un ministre, quel que soit son niveau d'incompétence, sera interprété comme une décision politique par son parti», a indiqué Mme Ottaway qui entrevoit une nouvelle «période d'instabilité politique» si M. Maliki sanctionne ses ministres.