Un mois après le meurtre de cinq membres d'une famille de la colonie d'Itamar, en Cisjordanie, aucune accusation n'a encore été portée. Mais la pression reste vive sur les habitants du village voisin d'Awarta, qui se plaignent des mesures employées par les autorités israéliennes.

«Les agents sont venus tard le soir et m'ont dit: «On vient vous arrêter». À la station de l'armée où ils nous ont emmenées, il y avait beaucoup de femmes, certaines avec des enfants qui pleuraient», raconte Fawzia Awad, 77 ans.

Mercredi soir dernier, environ 80 femmes d'une famille élargie d'Awarta ont été arrêtées par l'armée israélienne, selon les autorités locales. Elles ont été interrogées sur le meurtre d'une famille de la colonie voisine d'Itamar, survenu il y a un mois. Toutes ont été relâchées en quelques heures, après avoir fourni empreintes digitales et échantillon d'ADN.

Depuis un mois, le village palestinien de 6000 habitants a été passé au peigne fin. Les services de sécurité israéliens soupçonnent des activistes palestiniens d'être derrière le meurtre d'un couple et de trois de leurs jeunes enfants, poignardés à mort dans leur maison le 11 mars.

Une vallée d'environ 2 km sépare Itamar, protégée par une clôture sécurisée, d'Awarta. Les colonies israéliennes et les villages palestiniens des environs de Naplouse entretiennent des rapports particulièrement tendus.

Au lendemain du meurtre, l'armée a fermé l'accès au village pour quelques jours, le déclarant «zone militaire restreinte». Tous les hommes et les adolescents âgés de plus de 15 ans ont ensuite été interrogés, selon les autorités locales.

Ciblée

«Il n'y a pas une seule maison qu'ils n'ont pas fouillée», déplore Qays Awad, chef du conseil du village. Selon lui, quelque 50 personnes seraient encore détenues. Aucune accusation n'a été portée.

Le mari et deux des six fils de Huda Qawariq sont toujours en détention. La demeure familiale a été fouillée «à plus de sept reprises et les soldats ont causé beaucoup de dommages», raconte la femme, assise sur une chaise de plastique dans sa modeste maison d'Awarta.

Comme tous les villageois rencontrés, cette mère de 9 enfants condamne le meurtre de la famille d'Itamar. Mais elle rejette la possibilité que quelqu'un du village puisse en être l'auteur.

Pour elle, il est clair que les services de sécurité israéliens visent tout particulièrement sa famille. «L'armée est contre nous parce que nous nous sommes plaints après qu'ils ont tué un de mes fils, dit-elle. Ils ont tué mon fils, arrêté ses frères, et hier (jeudi), leur père.»

Les meurtres d'Itamar correspondent presque jour pour jour avec la mort l'an dernier de son fils Mohammed, 19 ans, et de son neveu Saleh, tués lors d'une opération de contrôle de l'armée. Deux officiers israéliens ont été réprimandés par le chef d'État major pour avoir ouvert le feu sur les deux jeunes hommes, qui travaillaient dans les champs. La famille dit avoir entamé des procédures judiciaires à la suite de cette affaire.

Fawzia Awad a elle aussi perdu un fils, tué dans un combat à Naplouse en 2003. «Ils nous visent parce qu'ils savent que nous sommes contre l'occupation», affirme la femme, la tête recouverte d'un keffieh rouge. «Je suis une vieille femme, reprend-elle. Comment voulez-vous que j'aie quoi que ce soit à voir avec les meurtres?»

Joint au téléphone, un porte-parole de l'armée israélienne n'a pu commenter les opérations menées en lien avec les meurtres d'Itamar. «Une enquête est en cours et nous sommes confiants que nous allons trouver le ou les auteurs du crime», a dit le capitaine Arye Shalicar.