Dix personnes ont été tuées et 83 blessées samedi à Kandahar (sud de l'Afghanistan) lors d'une manifestation contre le récent autodafé d'un Coran aux Etats-Unis, au lendemain d'une attaque meurtrière contre l'ONU dans le nord au cours d'un défilé similaire.

Le président américain Barack Obama a condamné samedi dans un communiqué l'autodafé qu'il a qualifié d'acte d'«extrême intolérance et sectarisme».

En début de soirée, les derniers manifestants qui occupaient encore la principale place du centre de Kandahar l'ont quittée, a constaté le correspondant de l'AFP.

Le Dr Daud Farhad, chef du principal hôpital de Kandahar, ex-capitale du régime des talibans, a fait état de «10 morts et 83 blessés jusqu'à maintenant».

«Parmi les blessés figurent un agent de l'Agence afghane de renseignement (NDS) et un policier. Le reste sont des manifestants», a-t-il déclaré à l'AFP.

Un médecin de cet hôpital, le Dr Abdul Qayoum Pukhla, avait auparavant indiqué que toutes les victimes avaient été blessées par balles ou par des jets de pierres.

Ce bilan de 10 morts et 83 blessés a été confirmé par le gouverneur de la province de Kandahar, Toryalai Wesa. Il a indiqué que 20 personnes avaient été arrêtées, parmi lesquelles dix étaient en possession d'armes et de grenades.

Les derniers protestataires qui occupaient encore, assis, la principale place du centre-ville sont partis en début de soirée tandis que les meneurs de la manifestation se sont rendus au gouvernorat pour rencontrer les autorités provinciales, à leur invitation, selon le correspondant de l'AFP.

Au plus fort de la matinée, plusieurs milliers de manifestants divisés en plusieurs groupes avaient arpenté différents quartiers de la ville.

Les autorités provinciales ont accusé des «ennemis du peuple et de l'Afghanistan», terme habituellement utilisé pour désigner les insurgés talibans, d'avoir infiltré la manifestation.

«Quand la manifestation a commencé, des +éléments destructeurs+ ont infiltré les manifestants et ont fait des victimes civiles», a déclaré M. Wesa,  soulignant que les autorités n'avaient pas été averties et n'avaient pas autorisé la manifestation.

Un groupe de manifestants parti du centre-ville a été bloqué dans la matinée par la police après avoir pris la direction des locaux de la Mission de l'ONU en Afghanistan (Unama).

Selon le correspondant de l'AFP, une foule importante, venue des faubourgs Est, a tenté de se diriger vers le centre-ville en fin de matinée.

Dans le centre-ville, les protestataires ont défilé aux cris de «Mort à l'Amérique» et «Mort à (Hamid) Karzaï», le président afghan. «Ils ont insulté notre Coran», a crié l'un d'eux.

A Mazar-I-Sharif, grande ville du nord de l'Afghanistan, où quatre Népalais et trois Européens employés de l'ONU ont été tués vendredi dans l'attaque des bureaux de l'Unama lors d'une manifestation similaire, la situation était revenue à la normale samedi.

Aucun déploiement sécuritaire particulier n'était constaté, à l'exception de policiers devant les locaux en partie incendiés de l'ONU.

Le ministère afghan de l'Intérieur a annoncé samedi que «30 suspects liés aux violences à Mazar-I-Sharif» avaient été arrêtées et allaient être interrogées pour savoir qui a provoqué les violences.

Un commerçant a affirmé avoir vu vendredi plusieurs manifestants en armes dans le cortège, depuis son magasin en face du complexe onusien. Les autorités ont là aussi accusé des «insurgés» armés d'avoir infiltré la manifestation.

Cette attaque est la plus meurtrière contre l'ONU en Afghanistan depuis l'invasion de ce pays par une coalition internationale fin 2001, pour renverser le régime des talibans.

Elle ne portera pas atteinte à la présence de l'ONU dans le pays, a affirmé samedi soir le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies en Afghanistan.

Cinq manifestants afghans ont été également tués, selon le gouverneur de la province de Balkh, dont Mazar-i-Sharif est la capitale.

Dans un communiqué, le pasteur américain extrémiste Terry Jones, à l'origine de l'autodafé du Coran, a rejeté sur l'islam la responsabilité des violences en Afghanistan.

Le président Obama a de son côté estimé qu'«attaquer et tuer des gens innocents en représailles est révoltant et un affront à la décence humaine et la dignité. Aucune religion ne tolère le massacre et la décapitation de gens innocents, et il n'y a pas de justification à un tel acte déshonorant et déplorable», a-t-il fait remarquer.