Plusieurs milliers de personnes manifestaient vendredi à Bagdad et dans plusieurs villes du sud de l'Irak au milieu d'importants dispositifs de sécurité pour fustiger l'état des services publics, la corruption, le chômage ou encore l'incompétence de leurs dirigeants.

De nombreux appels à la mobilisation ont été lancés ces derniers jours, dans l'élan d'un mouvement de contestation inspiré des révoltes populaires dans le monde arabe. Un groupe sur Facebook a exhorté en particulier les électeurs à crier dans la rue leur déception vis-à-vis de leurs élus, un an après les législatives du 7 mars.

Vers 13H00 (10H00 GMT), environ 2 000 manifestants, certains enveloppés dans le drapeau irakien, étaient rassemblés place Tahrir, dans le centre de la capitale.

«Le pétrole pour le peuple, pas pour les voleurs», scandaient certains manifestants. «Maliki, menteur», criaient d'autres à l'attention du Premier ministre Nouri al-Maliki. «Où est passé l'argent du peuple?», pouvait-on lire sur une pancarte.

«Nous manifestons car nous aimons notre pays et nous voulons qu'il aille mieux», a déclaré Mohamed Khalil, un jeune médecin. «Qu'est ce qui va mal en Irak? Tout. Il suffit de regarder l'état des rues, des services publics.»

«Nous nous battons pour une vraie démocratie», a affirmé Ryad Abdullah, un écrivain de 39 ans. «Chaque jour, nos libertés sont rognées par les partis religieux.»

«La corruption est aussi un problème crucial. Nous vivons dans un pays riche en pétrole, mais nous n'avons pas d'électricité ni d'eau saine, pas d'infrastructures», a-t-il dénoncé.

Venus pour la plupart à pied du fait de l'interdiction de circuler imposée aux véhicules depuis minuit dans la capitale, les manifestants devaient subir trois fouilles avant d'atteindre la place.

Comme lors de la grande manifestation de la semaine passée, des murs de protection en béton ont été installés sur le pont al-Joumhouriya qui enjambe le Tigre depuis la place Tahrir, pour empêcher que les manifestants ne puissent s'approcher de la Zone verte, secteur ultra-sécurisé qui abrite nombre de bâtiments officiels, de l'autre côté du fleuve.

Des manifestations ont également eu lieu dans des villes chiites du sud. Un millier de personnes étaient ainsi rassemblées dans le centre de la ville portuaire de Bassora, où la police a utilisé des canons à eau pour disperser la foule.

Un caméraman travaillant pour la chaîne iranienne al-Alam a été blessé dans des circonstances qui demeuraient floues, vraisemblablement dans des heurts avec la police, selon un journaliste de l'AFP.

Un millier de personnes ont manifesté à Nassiriya et des centaines d'autres étaient rassemblées à Najaf, Samawa, Fao ou encore Hilla, selon des correspondants de l'AFP.

Des interdictions de circuler ont été décrétées dans l'ensemble des provinces au nord de Bagdad n'appartenant pas à la région autonome du Kurdistan (al-Anbar, Salaheddine, Ninive, Kirkouk et Diyala).

Au total, 22 manifestants et un policier ont péri dans le mouvement de contestation qui a commencé début février en Irak, et qui a culminé le 25 février par une «Journée de la colère» et des manifestations dans une vingtaine de villes irakiennes, au cours desquelles 16 personnes ont péri.

Le 26 février, le guide spirituel de la communauté chiite, le Grand Ayatollah Ali Sistani, a joint sa voix à celle des manifestants en exigeant la suppression des avantages que se sont octroyés les hommes politiques irakiens.

En réponse, M. Maliki a donné dimanche 100 jours à ses ministres pour faire leurs preuves en matière de lutte contre la corruption et d'amélioration des services publics.