Le premier ministre irakien, sur la défensive face à la pression de la rue, des autorités religieuses et du Parlement, a donné dimanche 100 jours à ses ministres pour faire leurs preuves en matière de lutte contre la corruption et d'amélioration des services publics.

Un appel à de nouvelles manifestations vendredi à travers l'Irak a été lancé sur Facebook par un groupe nommé les «affamés d'Irak» afin d'exprimer la déception des électeurs près d'un an après les législatives du 7 mars et de rendre hommage aux manifestants tués.

Nouri al-Maliki, à la tête du cabinet le plus pléthorique de l'histoire irakienne, «a fixé au gouvernement et aux ministères une période de 100 jours au terme de laquelle un bilan sera tiré sur les échecs et les réussites de chacun», a annoncé un communiqué à l'issue d'un conseil des ministres «extraordinaire».

«Des changements auront lieu sur la base de ce bilan», a-t-il ajouté à l'attention de ses 43 ministres et secrétaire d'État. Près d'un an après les élections, les portefeuilles de l'Intérieur, de la Défense, de la Sécurité nationale et du Plan n'ont pas encore été attribués.

Cet audit a été décidé après des manifestations qui ont fait 23 morts, dont un policier, depuis le début du mois.

M. Maliki a également averti ses ministres qu'en matière de lutte contre la corruption, ils étaient «responsables» de ce qui se passait dans leur ministère.

L'Irak est classé parmi les quatre pays les plus corrompus au monde et selon le juge Rahim al-Uqali, chef de la «Commission pour l'intégrité», les ministres préfèrent couvrir la corruption dans leur département plutôt que la combattre.

Pour éviter le népotisme, M. Maliki a aussi demandé que «tous les postes vacants (dans la fonction publique) soient affichés».

Et le premier ministre a diligenté une enquête sur les violences qui ont fait 18 morts pendant les manifestations de vendredi et samedi, afin de «trouver les responsables, qu'il s'agisse des manifestants ou des forces de sécurité».

Le président du Parlement, Oussama al-Noujaifi, a annoncé lui aussi une enquête parlementaire sur les violences. Il a critiqué les «méthodes inacceptables et injustifiées» des forces de sécurité et a qualifié de «surprenante la répression contre les médias».

Quatre journalistes, interpellés pendant les manifestations vendredi à Bagdad, ont déclaré samedi qu'ils avaient été «torturés» pendant leur détention et qu'ils entendaient poursuivre M. Maliki en justice pour cela.

Adversaire politique du premier ministre, M. Noujaifi a demandé la tenue d'élections provinciales anticipées. «Je pense qu'il faut les tenir pour que le peuple s'exprime et choisisse ceux qui peuvent le satisfaire», a-t-il dit.

En janvier 2009, la liste de l'État de Droit de M. Maliki avait remporté 9 des 14 provinces où le scrutin avait eu lieu. Mais, depuis deux semaines, trois gouverneurs de cette liste ont démissionné sous la pression des manifestants.

Dans un message sur Facebook, les «affamés d'Irak» ont appelé à manifester lors d'un «Vendredi du regret», un an après avoir élu des «députés qui ne servent pas l'Irak et ne répondent pas au désir des Irakiens».

«Ce sera aussi le "Vendredi des martyrs"», ajoute le texte, en référence aux victimes des violences.

Le guide spirituel de la communauté chiite, le Grand Ayatollah Ali Sistani, a exigé la suppression des avantages des hommes politiques et a appelé le Parlement et le gouvernement «à agir efficacement pour améliorer les services publics (...) et lutter contre la corruption qui gangrène les institutions».