Des députés iraniens ont appelé mardi à «pendre» les chefs de l'opposition au lendemain d'une manifestation antigouvernementale à Téhéran, la première depuis un an, dans laquelle deux personnes ont été tuées et neuf policiers blessés.

Des milliers de personnes ont manifesté par petits groupes lundi dans le centre de Téhéran à l'appel des chefs de l'opposition, l'ex-Premier ministre Mir Hossein Moussavi et l'ancien président du Parlement Mehdi Karoubi, malgré l'interdiction des autorités.

Ces manifestations visaient officiellement à soutenir les mouvements populaires en Égypte et Tunisie.

Selon le député Kazem Jalali, cité par l'agence Isna, le ministre de l'Intérieur, Mostafa Mohammad Najar, a indiqué mardi devant la Commission de la Sécurité nationale que deux partisans du régime iranien avaient été tués lors des troubles lundi.

«Un concitoyen est tombé en martyr et neuf membres des forces de l'ordre ont été blessés par des tirs des monafeghine» (hypocrites, terme utilisé pour désigner les Moudjahidine du peuple), avait auparavant déclaré le chef de la police, Ahmad Reza Radan, cité par l'agence Fars.

La victime est présentée par les médias iraniens comme un étudiant membre de la milice islamique du Bassij, nommé Sanee Jaleh. Ses obsèques sont prévues mercredi matin devant l'université de Téhéran.

Lors d'une session parlementaire, les députés conservateurs ont violemment attaqué les chefs de l'opposition, les accusant de faire le jeu des «États-Unis et du sionisme». «Mort à l'Amérique», «Mort à Israël», «Moussavi et Karoubi doivent être pendus», ont crié les députés.

«La patience des gens est à bout et tout le monde veut que (MM. Moussavi et Karoubi) aient la plus sévère punition», ont indiqué, dans une lettre lue à la tribune, 223 des 290 députés, selon l'agence Fars.

«Le Parlement condamne cette action américano-sioniste anti-révolutionnaire et anti-nationale des séditieux», a déclaré le chef du Parlement Ali Larijani en référence à l'appel à manifester, annonçant la création d'un comité pour «examiner ce mouvement contre-révolutionnaire».

MM. Moussavi et Karoubi sont depuis plusieurs jours placés de facto en résidence surveillée, et leur téléphone a été coupé.

Des affrontements ont éclaté lundi en plusieurs endroits de Téhéran entre des milliers de manifestants et les forces de l'ordre, selon les témoignages rapportés par des sites d'opposition ou recueillis par l'AFP.

Les autorités avaient interdit aux médias étrangers de se rendre sur place.

«Plusieurs centaines de personnes» auraient été arrêtées, selon le site Kaleme.com du réformateur Moussavi, citant des «témoignages non confirmés».

Madrid a protesté après qu'un de ses diplomates a été «retenu» pendant quatre heures, lundi, par les autorités iraniennes, qui l'avaient interpellé près de l'ambassade, non loin de là où se déroulait la manifestation.

Le procureur général du pays, Gholamhossein Mohseni Ejeie, a promis, en réponse aux députés, que la justice allait agir «rapidement et fermement contre les principaux responsables».

«Certains chefs de la sédition comme Moussavi et Karoubi (...) doivent être jugés en tant que "corrupteur sur terre"», un crime passible de la peine de mort, a estimé un groupe parlementaire, selon l'agence Irna.Lundi, la secrétaire d'État américaine Hillary Clinton, exhortant l'Iran à suivre l'exemple égyptien en «ouvrant» son système politique, a indiqué que les États-Unis soutenaient les revendications des manifestants iraniens. Les Affaires étrangères iraniennes ont rejeté ces commentaires.

La chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton a appelé l'Iran à respecter le droit de manifester pacifiquement.

Le président du Parlement européen Jerzy Buzek a estimé que la manifestation en Iran montre que la population a la même soif de démocratie qu'en Égypte et en Tunisie.

La France a quant à elle demandé «la libération des personnes arrêtées» et condamné «les violences commises à l'égard des manifestants» lundi en Iran.