Après plusieurs jours d'épreuve de force avec les députés proclamés élus, le président Hamid Karzaï a enfin intronisé mercredi le nouveau Parlement afghan, sans toutefois dissiper la confusion, les résultats des législatives, marquées par des fraudes massives, restant contestés.

M. Karzaï, qui voulait reporter cette première session parlementaire au 22 février, avait cédé lundi à la pression des députés proclamés élus fin novembre par la Commission électorale indépendante (CEI), qui avaient menacé d'installer la nouvelle Assemblée sans lui s'il ne le faisait pas ce mercredi.

«Partout dans le monde, il est naturel qu'il y ait de la concurrence et des problèmes lors des périodes électorales, mais quand les élections sont terminées, l'unité nationale revient», a déclaré le chef de l'État lors d'un discours fleuve mêlant bilan de la dernière décennie et défis pour l'avenir.

Il a ensuite fait prêter serment collectivement au nouveau Parlement, députés de la Wolesi Jirga (chambre basse) et sénateurs de la Meshrano Jirga (chambre haute, élus pour partie au suffrage indirect) réunis. Tous se sont engagés, la main sur le Coran, à «respecter des lois» et «sauvegarder l'unité» du pays «de façon impartiale et dans le respect de la foi».

Le Parlement entame ainsi sa seconde législature de cinq ans depuis la chute du régime des talibans à la fin 2001, après celle de 2005-2010. Il ne dispose toutefois que de prérogatives limitées, l'essentiel du pouvoir étant concentré dans les mains de M. Karzaï, au pouvoir depuis la fin 2001.

Si elle permet d'éviter une crise institutionnelle dans l'immédiat, cette intronisation ne met pas fin au conflit lié aux résultats des législatives entre d'une part le camp présidentiel et, d'autre part, la CEI et les députés qu'elle a proclamés élus.

Depuis des mois, la CEI, relayée par l'opposition, accuse le gouvernement de vouloir changer les résultats du scrutin du 18 septembre, marqués selon les analystes par un recul du camp présidentiel.

Fin décembre, M. Karzaï a lui-même mis en place un tribunal spécial chargé d'enquêter sur les fraudes électorales, et qui pourrait remettre en cause les résultats proclamés par la CEI. Les députés proclamés élus continuent de réclamer la dissolution de ce tribunal, ce à quoi le président se refuse.

L'inauguration de mercredi a provoqué la colère des candidats battus, parmi lesquels certains influents soutiens de M. Karzaï, qui exigeaient son report et réclament l'annulation des résultats proclamés par la CEI.

Mardi, en recevant ces derniers, le chef de l'État leur avait affirmé avoir été obligé de céder face au risque de crise que faisait peser des «mains étrangères» alimentant le conflit avec les députés.

L'ONU semblait visée, son représentant spécial en Afghanistan, Staffan de Mistura, ayant aidé les députés dans leurs négociations avec le président.

Les relations entre M. Karzaï et ses alliés occidentaux, qui le soutiennent depuis fin 2001 face à l'insurrection des talibans, chassés du pouvoir par une coalition internationale menée par les États-Unis, sont de plus en plus tendues depuis sa réélection en 2009, largement entachée de fraude.

Plusieurs ambassadeurs étrangers et le commandant des forces internationales en Afghanistan, David Petraeus, participaient à la cérémonie de mercredi.

Les Occidentaux se sont inquiétés d'une possible crise institutionnelle, à l'orée d'une année où leurs forces doivent commencer à céder la responsabilité de la sécurité du pays aux forces afghanes.

De leur côté, les talibans ont dénoncé l'intronisation «de représentants choisis par l'Amérique». «Ce Parlement fait lui aussi partie du gouvernement laquais» de Kaboul, a indiqué à l'AFP leur porte-parole, Zabihullah Mujahed.