Le ministre israélien des Affaires étrangères Avigdor Lieberman a jugé irréaliste tout accord politique avec les Palestiniens avant «au moins une décennie» et a reproché à la communauté internationale d'en «faire trop», dans un entretien mardi avec l'AFP.

«Nous avons une bonne coopération économique et sécuritaire. Nous devons poursuivre la coopération à ces deux niveaux et reporter la solution politique à au moins une décennie», a déclaré M. Lieberman, 52 ans, chef du parti ultra-nationaliste Israël Beiteinou.

«Il est impossible d'accélérer artificiellement le processus politique. Il faut avancer pas à pas», a-t-il prôné.

Le leader populiste a plaidé pour un «accord intérimaire à long terme», afin de «créer davantage de dialogue et de confiance» avec les Palestiniens, alors que les négociations de paix sont bloquées depuis des mois.

M. Lieberman, dont les prises de position ont été désavouées récemment par le Premier ministre Benjamin Netanyahu, a reproché à la communauté internationale d'«en faire trop» à propos du conflit israélo-palestinien qu'il a qualifié d'«émotionnel».

Profondément pessimiste, il a jugé que «cela crée toutes sortes d'espoirs et d'attentes et ensuite des frustrations qui mènent à la violence et à des affrontements», en critiquant le Quartette pour le Proche-Orient (Etats-Unis, Union européenne, ONU et Russie).

Accusant l'Europe et les pays occidentaux d'«hypocrisie», il a nié que l'Etat hébreu soit isolé sur la scène internationale.

Les Etats-Unis ont reconnu le 7 décembre l'échec de leurs efforts pour convaincre Israël de décréter un nouveau moratoire sur la colonisation en Cisjordanie occupée et à Jérusalem-Est, exigé par les Palestiniens pour reprendre les négociations de paix.

M. Netanyahu avait accepté avec réticence un plan de la secrétaire d'Etat Hillary Clinton prévoyant un moratoire de trois mois sur la colonisation. Mais il exigeait des garanties écrites sur les contreparties offertes par Washington et les deux parties ne sont pas parvenues à s'entendre sur la formulation.

Mme Clinton a ensuite annoncé une nouvelle approche consistant en un retour aux pourparlers indirects sous médiation américaine, sur les questions de fond d'un accord de paix.

Mais cette proposition est restée lettre morte. Les Palestiniens, soutenus par la Ligue arabe, ont signifié le 15 décembre aux Etats-Unis qu'une reprise des négociations était exclue en l'absence d'arrêt de la colonisation, et ont sommé Washington de présenter une «offre sérieuse».

«Je ne vois aucune disposition, aucune bonne volonté de la part de la direction palestinienne en faveur d'un véritable processus politique», a accusé M. Lieberman.

«Les Palestiniens croient qu'ils peuvent obtenir de la communauté internationale tout ce qu'ils veulent sans négocier et sans compromis. C'est leur stratégie», a-t-il affirmé.

Face au blocage, les Palestiniens veulent intensifier leurs efforts pour obtenir la reconnaissance de leur Etat, après les engagements de plusieurs pays latino-américains.

Mais le puissant chef du troisième parti d'Israël (15 députés) a mis en garde l'Autorité palestinienne du président Mahmoud Abbas contre la tentation de proclamer unilatéralement un Etat indépendant.

«Ce serait contraire à tous nos accords, à toutes nos ententes et à ce que nous avons signé depuis les accords d'Oslo (de 1993) et dans ce cas de figure, nous serions libérés de toutes nos obligations», a-t-il averti.

«Je crois qu'ils auraient beaucoup plus à perdre qu'à gagner», a conclu M. Lieberman, en affirmant que «Mahmoud Abbas sait pertinemment que l'Autorité palestinienne ne peut exister qu'avec notre assistance».