La justice afghane a annoncé jeudi l'ouverture d'une enquête criminelle sur les fraudes lors des élections législatives, en prévenant qu'elle pourrait «entamer la légitimité» d'un scrutin marqué selon les analystes par un recul du camp du président Hamid Karzai.

Ce dernier s'est gardé d'endosser les résultats définitifs des élections, annoncés mercredi, appelant au contraire les candidats battus qui les contestent à porter plainte, ainsi qu'à éviter les violences.

«Nous avons des preuves que des votes ont été achetés à Kaboul et à Dubaï», a déclaré sur les ondes de Radio Free Europe le procureur général, Mohammad Ishaq Alko, plus haut magistrat du parquet en Afghanistan et considéré comme un proche de M. Karzaï, en annonçant l'ouverture d'une enquête criminelle.

Huit membres du personnel des autorités électorales ont été arrêtés, a-t-il ajouté. M. Alko a également critiqué la Commission électorale indépendante (CEI) pour avoir proclamé mercredi - deux mois après le scrutin - les résultats définitifs de manière «prématurée» et l'ONU de les avoir approuvés.

La justice a également convoqué quatre hauts responsables de la CEI et de la Commission électorale des plaintes (ECC) accusés d'avoir participé à ces fraudes et touché des pots-de-vin, a annoncé le procureur général adjoint, Rahmatullah Nazari.

«Si ces accusations, pour la plupart desquelles nous avons des preuves, sont avérées, la légitimité de ces élections va être sérieusement entamée», a prévenu M. Nazari. Le chef adjoint de l'IEC, Zekria Barakzai, a affirmé à l'AFP n'avoir «reçu aucune notification officielle» des convocations ou arrestations.

Selon plusieurs analystes, les candidats de la mouvance de M. Karzai ont perdu des sièges à la Wolesi Jirga. Le principal opposant du président, Abdullah Abdullah, a de son côté affirmé que ses partisans avaient remporté plus d'un tiers des 249 sièges à pourvoir.

De nombreux candidats ont manifesté à travers le pays pour dénoncer ces résultats qui ont été endossés par l'ONU et l'ambassade américaine à Kaboul.

M. Karzaï a appelé dans un communiqué les candidats mécontents du résultat et leurs partisans à «éviter les violences» et «à porter plainte (...) pour que leur requêtes soient étudiées par les institutions judiciaires».

Le président afghan est «attaché au respect des lois» «et agira en conformité avec elles», souligne le communiqué.

En plus d'un taux de participation très bas (autour de 40%), un quart des suffrages ont été invalidés par la CEI et 24 candidats déclarés vainqueurs par les résultats préliminaires ont été disqualifiés.

Les manifestations de candidats mécontents se sont poursuivies jeudi avec 500 personnes à Hérat, la grande ville de l'ouest, plusieurs centaines dans la province de Samangan (nord), selon les autorités locales.

Hamid Karzaï a été installé fin 2001 puis maintenu à la tête du pays avec l'appui de plus de 150 000 soldats internationaux déployés pour le défendre face à la rébellion des talibans, qui a gagné du terrain ces dernières années. Il a été réélu en 2009, également à l'issue d'un scrutin entaché de fraudes massives mais approuvé aussi par la communauté internationale.