L'Afghanistan a proclamé mercredi les résultats définitifs des législatives du 18 septembre, plus de deux mois après un scrutin entaché de fraudes massives qui ont déjà conduit à l'annulation d'un quart des suffrages et l'invalidation de 24 candidats arrivés en tête.

Le principal opposant au président Hamid Karzaï, Abdullah Abdullah, a aussitôt assuré qu'au moins 90 de ses partisans avaient été élus, soit près d'un tiers des 249 sièges à l'Assemblée nationale, promettant des «pressions» sur le gouvernement «pour des changements positifs».

«Tenir des élections est un processus difficile (...) mais, heureusement, malgré toutes les embûches, la nation afghane a réussi», a déclaré Fazil Ahmad Manawi, chef de la Commission électorale indépendante (CEI), en proclamant les résultats.

En l'absence de partis politiques, la nouvelle Assemblée, traditionnellement dominée par des chefs de guerre, des technocrates et des notables qui ont rarement réussi à s'unir, n'est toutefois pas en mesure de peser véritablement dans un pays où le président concentre l'essentiel des pouvoirs.

Hamid Karzaï a été installé fin 2001 puis maintenu à la tête du pays grâce à la présence de plus de 150 000 soldats des forces internationales qui combattent les talibans. Il a été réélu en 2009, également à l'issue d'un scrutin entaché de fraudes massives essentiellement à son profit, son principal rival, Abdullah Abdullah, abandonnant avant le second tour.

Au vu des résultats bruts proclamés et l'absence d'étiquettes politiques, il est impossible de dire si une majorité en faveur de M. Karzaï se dégage ou non.

Alors que la participation est déjà très faible, autour de 40%, la CEI avait annoncé il y a un mois l'invalidation de près d'un quart des 5,6 millions de bulletins de vote. Au total, elle a disqualifié 24 candidats qui avaient été déclarés vainqueurs au fil des résultats préliminaires.

M. Manawi a pourtant qualifié mercredi le scrutin de «grand succès» pour «le gouvernement afghan» et ses «amis de la communauté internationale».

Les alliés occidentaux -- États-Unis au premier chef, dont les troupes composent plus des deux tiers des forces internationales -- avaient espéré que ces législatives permettraient de redorer le blason du gouvernement. Celui-ci avait été très terni par les fraudes massives de la présidentielle et des accusations de corruption.

Les résultats préliminaires avaient fait apparaître un très net recul de la majorité à l'Assemblée des Pachtounes, le plus grand groupe ethnique, dont est issu M. Karzaï, mais aussi les talibans.

Les responsables pachtounes avaient mis en cause les menaces et violences des talibans qui ont dissuadé ou empêché les électeurs de voter, notamment dans le sud et l'est.

L'entourage de M. Karzaï avait fait savoir avant les résultats définitifs que le manque de représentativité des pachtounes poserait d'importants problèmes. Mercredi, la CEI a annoncé qu'elle suspendait la proclamation des résultats d'une des 34 provinces, Ghazni (sud), pour des «problèmes techniques», ouvrant la voie à une possible partielle.

Or à Ghazni, bastion des talibans, aucun candidat pachtoune n'arrive en tête.

Mais le manque évident de légitimité du scrutin risque également de mettre à mal la stratégie de retrait des soldats étrangers, confirmée lors du sommet de l'OTAN à Lisbonne.

Sous la pression d'opinions publiques hostiles au maintien de leurs soldats dans le bourbier afghan, les pays de la coalition y ont annoncé le passage progressif du relais de la sécurité aux forces afghanes jusqu'à la fin 2014, et le début du retrait de leurs troupes à partir de l'été 2011.

Un pari que les experts estiment hasardeux au moment où l'insurrection des talibans s'intensifie et inflige des pertes de plus en plus lourdes aux forces internationales: 658 soldats étrangers ont été tués en 2010, Américains pour plus des deux tiers.