Un an après sa naissance aux forceps, le gouvernement d'union au Liban a vu son action plombée par les divisions, et risque de tomber en raison de la crise liée à l'enquête de l'ONU sur l'assassinat de l'ex-Premier ministre Rafic Hariri, estiment des analystes.

La quasi-paralysie du gouvernement est due aux positions diamétralement opposées des deux camps y siégeant: celui de la majorité parlementaire du Premier ministre Saad Hariri, soutenu par l'Occident, et celui de l'opposition menée par le puissant groupe armé Hezbollah, appuyé par Téhéran et Damas.

«Le gouvernement a échoué à tous les niveaux. Il ne s'est attaqué à aucune des principales préoccupations du citoyen», affirme à l'AFP Mohamad Chamseddine, du centre de recherches Information International, basé à Beyrouth.

«Il n'a rien accompli, les deux courants siégeant au gouvernement cherchant chacun à faire passer son propre programme», souligne l'analyste.

Sa formation le 9 novembre 2009, cinq mois après les législatives, a été source d'optimisme. Mais la crise de confiance a repris le dessus et les deux parties ont divergé sur quasiment tout, principalement l'arsenal du Hezbollah chiite et le Tribunal spécial pour le Liban (TSL).

En juillet, le pays a de nouveau basculé dans la tourmente. Le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, annonce s'attendre à ce que des membres de son parti soient accusés par le tribunal de l'ONU dans l'assassinat en 2005 de Rafic Hariri, père de l'actuel Premier ministre.

Cette possible mise en cause par le TSL, qui n'a pas donné de date pour l'acte d'accusation, a suscité les craintes d'un regain de violences et d'un effondrement du gouvernement.

Le chef de l'armée libanaise Jean Kahwaji, dans une rare déclaration publique, s'est dit «inquiet» des répercussions d'une éventuelle accusation du Hezbollah.

Le mouvement chiite accuse le TSL d'être «politisé» et de baser son enquête sur de faux témoignages. Son chef a mis en garde contre une coopération avec le TSL et son numéro deux a évoqué une possible «explosion» au Liban.

En conséquence, le Hezbollah vient de boycotter pour la première fois le dialogue national lancé en 2008 avec le camp Hariri qui, lui, soutient le TSL.

Le camp Hariri a été conforté dans sa position par le Conseil de sécurité et les États-Unis qui accusent le Hezbollah de terrorisme. Et les visites ces derniers mois des dirigeants syrien, saoudien et iranien n'ont pas permis d'apaiser les tensions.

Selon les analystes, la crise pourrait paralyser totalement les institutions et provoquer la chute du cabinet, un scénario similaire à l'impasse qui a failli plonger le pays dans une nouvelle guerre civile en 2008.

«Il y a une dualité du pouvoir», explique Imad Salameh, professeur de Sciences politiques à la Lebanese American University. «Nous avons un État qui dit que le Liban, membre fondateur de l'ONU, doit respecter les résolutions, et un mini-État (Hezbollah) pour qui le TSL n'a aucune importance».

Le «gouvernement est devenu l'otage de l'acte d'accusation», selon lui.

Dans ce contexte de crise, le citoyen continue d'être la principale victime.

Aucune des «priorités du citoyen» déclinées dans la déclaration du gouvernement n'a été traitée: ni la lutte contre la pauvreté et la corruption, ni la nouvelle loi électorale, ni l'allègement de la dette publique, ni le budget 2011. De plus, l'eau et l'électricité deviennent des services «de luxe».

Expliquant cette piètre performance, M. Salameh estime que la cabinet «formé dans une ambiance de profonde instabilité (...), était plus un gouvernement de salut qu'un gouvernement avec un programme clair».