Les chrétiens irakiens restent dans la ligne de mire d'Al-Qaïda, qui vient de les qualifier de «cibles légitimes», après le carnage de dimanche dans une église de Bagdad et au lendemain d'une nouvelle vague d'attentats dans la capitale.

L'explosion d'une dizaine de voitures piégées ayant fait mardi soir 64 morts et 360 blessés, selon un nouveau bilan, porte la marque des partisans de Ben Laden, tant par les cibles visées - des quartiers chiites - que par leur coordination.

La branche irakienne d'Al-Qaïda s'en est pris mercredi de nouveau aux chrétiens, deux jours après avoir revendiqué le massacre de la cathédrale syriaque catholique de Bagdad, où ont péri 44 fidèles et deux prêtres.

«Les centres, organisations, institutions, dirigeants et fidèles chrétiens sont des cibles légitimes pour les moujahidine», en raison du prétendu refus de l'église copte d'Égypte de «libérer deux chrétiennes converties à l'islam», a indiqué le communiqué de l'ISI.

«Quel rapport existe-t-il entre nous et les coptes d'Égypte à part le fait que nous soyons chrétiens et une proie facile car nous ne possédons ni milice ni personne pour nous protéger?», assure Saad Sirap Hanna, 40 ans, le prêtre de l'Église chaldéenne Saint Joseph à Karada

«En fait Al-Qaïda veut éradiquer notre présence qui remonte bien avant les musulmans puisque Saint Thomas a évangélisé cette terre en 50», soit six siècles avant l'Islam.

Pour lui, le massacre de dimanche est un tournant. «Il faut que les musulmans montrent leur désir que nous restions. Il y a bien sûr parmi eux des modérés qui sont mes amis mais il n'ont pas droit à la parole», ajoute cet homme d'église, enlevé par des islamistes durant 28 jours à l'été 2006.

Devant son église, la sécurité a été renforcée avec trois vehicules blindés et des barbelés. «Ce n'est pas un ou deux humvees qui changent les choses. Il faut une véritable réconciliation nationale et un gouvernement qui assure la securité, non en paroles mais en actes», dit ce prêtre.

Ces nouvelles menaces vont accelerer l'exode commencé en 2003 estime l'évêque chaldéen de Bagdad, Chlimoune Wardouni. «C'est mauvais pour les chrétiens. Cela peut les pousser à quitter le pays», a déclaré l'évêque par téléphone à l'AFP.

Cible d'attaques depuis l'invasion conduite par les États-Unis, la communauté chrétienne de Bagdad est passée de 450 000 à 150 000. Il ne reste que 14 paroisses chaldéennes dans la capitale contre 28 il y a sept ans.

«Nous craignons une nouvelle campagne (d'attaques)», a déclaré à l'AFP Hazen Girgis, un enseignant de 45 ans de l'université de Mossoul. «Tout cela à cause du retard dans la formation du gouvernement.»

Mais pour le député chrétien Yonadam Kanna «tout le monde est une cible pour Al-Qaïda». «Voilà ce qui peut arriver si on ne prend pas suffisamment de mesures de sécurité», a-t-il indiqué à l'AFP au sujet de l'attaque de la cathédrale syriaque catholique.

La capacité des forces de sécurité à protéger la population est de nouveau posée après la dizaine de voitures piégées contre des quartiers chiites, visant notamment des restaurants et des cafés.

Ces attaques risquent de ruiner les efforts du gouvernement qui cherche à attirer les investisseurs étrangers. Depuis lundi, se tient la foire internationale de Bagdad où sont présentes 300 sociétés du monde entier.

Elles interviennent alors que perdure depuis huit mois le blocage politique car les partis ne parviennent pas à trouver un accord en vue de former un nouveau gouvernement.

Le doyen des députés au Parlement a cependant annoncé avoir convié ses collègues lundi à une pour tenter d'élire leur président.