L'attentat qui a fait 58 morts dans une église de Bagdad dans la nuit de dimanche à hier pourrait bien être le 11 septembre des chrétiens d'Irak et empirer l'exode déjà massif de cette minorité vulnérable.

De Montréal, c'est le cri d'alarme qu'a lancé hier Ignace Joseph III Younan, patriarche de l'Église catholique syriaque lors d'une entrevue avec La Presse. La cathédrale Sayidat Al-Najat (Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours) qui a été prise d'assaut par un groupe de rebelles armés dimanche soir relève de lui.

Selon le patriarche, plus de 150 fidèles et 3 prêtres assistaient à la messe du dimanche soir lorsque les terroristes ont fait irruption, tirant dans la foule et prenant par la suite des dizaines de personnes en otages. Quatre heures plus tard, les forces de l'ordre irakiennes ont tenté une opération de sauvetage. Lorsque les fusils se sont tus, des dizaines de morts et de blessés jonchaient le sol du lieu de culte.

Deux des célébrants ont péri alors que le vicaire est aux soins intensifs. Au moins 42 croyants - la majorité des femmes et des enfants - ont aussi été tués. «C'est un des pires attentats terroristes jamais perpétrés contre les chrétiens en Irak», s'est désolé hier le chef religieux qui porte aussi le nom de patriarche d'Antioche des Syriens.

Le carnage a été revendiqué par une organisation liée à Al-Qaïda, l'État islamique d'Irak, qui, dans un communiqué, menaçait d'exterminer tous les chrétiens d'Irak si les «femmes musulmanes ne sont pas libérées».

Sécurité demandée

En visite à Laval, où l'on retrouve deux paroisses catholiques syriaques, Ignace Joseph III Younan n'a pas parlé aux survivants de la tragédie d'hier, mais a demandé à un prêtre de la paroisse voisine de se rendre sur les lieux. «Il m'a dit, je vous parle de l'église, il n'y a que des cadavres, je me baigne dans le sang», relatait l'homme de religion hier.

Se retenant de juger l'opération de sauvetage menée par les forces de l'ordre irakienne, le leader religieux a cependant critiqué le manque de sécurité dans les lieux de culte chrétiens en Irak. «Il ne reste plus qu'une cinquantaine de lieux chrétiens à Bagdad. On veut que le gouvernement protège ces lieux et pas seulement avec deux ou trois gardes. Ça doit être une surveillance 24 heures sur 24. Les gens qui nous attaquent ne réfléchissent plus», a-t-il noté hier, promettant de porter sa demande au premier ministre irakien, Nouri Al-Maliki.

Hémorragie constante

Le patriarche craint cependant que ce nouvel attentat ne soit la goutte qui fasse déborder le vase pour ses fidèles et les autres chrétiens d'Irak. Depuis le début de l'invasion américaine en 2003, la population chrétienne a diminué de 800 000 à moins de 500 000 âmes. Des 46 000 catholiques syriaques de Bagdad, il reste moins de la moitié de la communauté originale.

«Je les ai visités il y a un an. Ils m'ont demandé pourquoi ils devaient rester en Irak. Il n'y a rien qui les y encourage. Ils se sentent abandonnés, ils n'ont pas d'assurance qu'ils sont acceptés, il n'y a pas de gouvernement fort et pas de sécurité. Je leur avais dit que je ne pouvais pas les obliger à rester, mais je leur ai rappelé que Dieu nous a voulus en Irak. Je leur ai dit que leur sort allait s'améliorer, raconte le patriarche, avec une pointe de tristesse dans la voix. Aujourd'hui, je ne redirais pas la même chose».

Condamné dimanche par le pape Benoît XVI, l'attentat a été dénoncé dans plusieurs capitales du monde, dont Ottawa, Moscou, Paris et Amman, en Jordanie. Même le Hezbollah, parti islamiste du Sud-Liban, s'est indigné. «Jamais la région (...) n'avait été témoin d'un tel crime odieux, jusqu'à l'occupation américaine de l'Irak», a écrit le Parti de Dieu dans un communiqué.

Avec l'AFP, l'AP et le Christian Science Monitor