De plus en plus de femmes saoudiennes tentent de se marier sans l'accord parental, défiant une tradition tribale ancrée dans leur société ultraconservatrice qui laisse au gardien mâle le dernier mot dans le choix d'un mari.

Ces femmes, qui ont généralement une bonne éducation et un emploi, s'adressent parfois à la justice pour tenter de prendre le contrôle de leur vie conjugale.

En juillet, un tribunal de Médine, dans l'ouest du royaume, a rejeté la requête d'une femme médecin de 42 ans qui voulait se marier contre la volonté parentale avec un chirurgien de ses collègues.

Le juge a souligné que cette femme n'avait pas obéi à son père en tentant de se marier avec quelqu'un qui n'était pas de son clan tribal.

«Malheureusement nous sommes face à un paradoxe. Des fillettes de 10 ans sont forcées de se marier, alors que des femmes adultes ne peuvent le faire pour des raisons illogiques», constate Souhaila Zainal Abidin, de l'Association nationale des droits de l'Homme, interrogée par l'AFP.

«Nous voulons éliminer ce phénomène du à l'ignorance», renchérit Amal Saleh, professeur d'université qui anime une page Facebook sur cette pratique.

L'islam enseigne que le père se doit de donner son accord à toute personne désirant épouser sa fille si le candidat est vertueux et musulman pratiquant.

Mais la loi islamique pratiquée en Arabie a de forts relents tribaux qui donnent au père la haute main sur le choix du mari de sa fille.

Il en résulte que la justice n'autorise pas de mariage contre la volonté du père, du frère ou de l'oncle quand le père est mort.

Le père refuse souvent de donner sa fille en mariage hors de sa tribu, qui reste la structure de base de la société saoudienne.

«Il y a des pères qui se marient hors de leur tribu mais qui refusent de donner leurs filles en mariage hors de la leur», déplore Mme Zainal Abidin.

Dans d'autres cas, le refus est justifié par le fait que la jeune femme a été promise à un autre depuis son enfance.

Enfin, certaines ne peuvent pas se marier avant leurs aînées.

Maha, une Saoudienne contactée par l'AFP par courriel est un cas typique. À 26 ans, elle a refusé d'épouser un homme de sa tribu, estimant qu'il ne faisait pas l'affaire. Depuis, tous les candidats au mariage trouvés par ses proches ont été rejetés par son père car ils n'étaient pas de sa tribu.

«Mon père et mes frères ont refusé continuellement et maintenant, alors que j'ai atteint 38 ans, ils veulent me marier à un homme de 42 ans, qui est dépendant du hachisch», dit Maha.

Depuis six ans, 86 femmes se sont adressées à la justice pour demander la levée de l'embargo paternel, dont 13 en 2010, selon l'Association nationale des droits de l'Homme.

Mais «certains juges soutiennent les pères, ce qui empêche les filles de se marier et de devenir des mères», regrette Mme Zinal Abidin.

Aziza, une enseignante à l'université, raconte que son père a refusé de la marier en affirmant que «personne ne me mérite». À 30 ans «j'ai voulu lui en parler» mais cela l'a mis hors de lui, a-t-elle déclaré à l'AFP.

Enfermée, interdite de contact avec l'extérieur, elle a essayé de se suicider plusieurs fois. «Aujourd'hui, j'ai 39 ans et je ne suis toujours pas mariée».

Nora Mohammed indique quant à elle avoir été gardée à la maison pour que son père puisse empocher des allocations familiales.

«Aujourd'hui, j'ai 42 ans et personne ne veut me prendre en mariage sauf ceux qui sont deux fois plus âgés».

Pour Mme Saleh, «la principale raison (de ce phénomène) est l'ignorance des enseignements de la religion». Elle rappelle une fatwa (avis juridique) du cheikh Abdalah ben Jibrine, qui considérait qu'un père ne peut pas empêcher sa fille de se marier.

«Tout ce que nous voulons c'est l'application de cette fatwa» ou du moins la levée de l'interdiction pour les femmes de plus de 35 ans, dit-elle.