L'Irak s'apprête à battre un triste record, celui du pays ayant échoué pendant la plus longue période à former un gouvernement à l'issue d'élections.

Le pays connaît vendredi son 208e jour sans gouvernement, égalant ainsi le record établi par les Pays-Bas en 1977, selon le professeur Christopher J. Anderson, directeur de l'Institut d'études européennes, à l'université américaine de Cornell.

Lors des législatives du 7 mars, le Bloc irakien, alliance laïque soutenue par des sunnites et menée par l'ancien chef du gouvernement Iyad Allawi, est arrivé en tête, avec deux sièges d'avance sur l'Alliance de l'État de droit (AED) du premier ministre sortant Nouri al-Maliki, un mouvement chiite.

Malgré des mois de négociations et les multiples tentatives américaines de conciliation, aucun des deux n'est parvenu à forger une coalition de gouvernement majoritaire.

Néanmoins, vendredi, le principal bloc chiite au Parlement irakien a choisi Maliki comme son candidat pour former le prochain gouvernement, ce qui pourrait permettre à l'Irak de sortir d'une longue crise politique qui suscite la lassitude jusque dans les couloirs du Parlement.

«Je regrette parfois d'avoir voté», confie Haidar Ibrahim, chargé du bon fonctionnement des ascenseurs de l'édifice. «Tout de suite (après les élections, ndlr), il y a eu des conflits entre les différents blocs politiques (...) Comment pourrais-je avoir de l'espoir après tout ça?"

Même découragement chez Kurdish, un capitaine de l'armée de 28 ans, qui assure la sécurité du Parlement.

«Mon bonheur n'a pas duré longtemps», mais «j'ai encore de l'espoir, malgré tout, que le gouvernement se forme rapidement», souligne le jeune homme.

Selon Haidar Ibrahim, malgré l'absence de nouveau gouvernement, une poignée des 325 députés élus sont néanmoins présents chaque jour au Parlement.

Assis dans une salle de conférence, le député kurde Mahmoud Othman reconnaît qu'alors qu'il vient presque tous les jours, il «ne sai(t) quoi faire»: «C'est triste (...) Nous ne voyons personne, nous n'avons pas de réunion».

Mahmoud Othman, qui n'appartient à aucun groupe politique, estime que la confiance des Irakiens dans la démocratie est «ébranlée»: «ils se disent que si c'est ça le système parlementaire, à quoi bon? Les gens sont déçus et ils sont en droit de l'être».

L'incertitude politique a mis un coup de frein à la reconstruction du pays et laissé de côté des dossiers importants, comme la loi sur les hydrocarbures, censée réguler la distribution du pétrole.

Elle a aussi été citée comme une des causes de la persistance des violences, alors que Washington a mis un terme le 31 août à sa mission de combat en Irak.

Le mois de septembre 2010 a été le moins meurtrier pour la population irakienne cette année, selon des chiffres officiels irakiens annoncés vendredi. Mais juillet et août avaient été les plus sanglants depuis 2008.

Les violences devraient «rester à un niveau élevé» tant qu'un nouveau gouvernement n'est pas formé, a estimé mercredi le général Ralph Baker, qui dirige les forces américaines à Bagdad.

Selon lui, l'absence de nouveau gouvernement nuit également à la collecte d'information sur les insurgés par les forces de sécurité.

De même, le nombre de déplacés ou réfugiés irakiens revenant chez eux a chuté de façon significative ces six derniers mois: alors que dans les 18 mois précédant les élections législatives, entre 15 000 et 18 000 Irakiens revenaient chaque mois au pays ou chez eux - après avoir été déplacés à l'intérieur même du pays - ce chiffre est tombé à quelque 10 000, d'après l'ONU.