La tension politique monte au Liban en raison des pressions de plus en plus fortes exercées par le Hezbollah et ses alliés pour discréditer le Tribunal spécial pour le Liban (TSL), chargé d'enquêter sur l'assassinat de l'ancien premier ministre libanais Rafic Hariri.

Dernière salve en date, les députés du mouvement chiite et leurs alliés ont refusé jeudi d'approuver en commission une clause sur le financement du TSL, dans lequel Beyrouth participe à hauteur de 49%.

Bien que largement symbolique, ce refus est perçu comme une nouvelle tentative de discréditer le tribunal, créé en 2007 par une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU.

En juillet, le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah avait annoncé s'attendre à ce que le TSL accuse des membres de son parti d'implication dans le meurtre de Hariri.

Depuis, la formation chiite a haussé le ton contre le tribunal, l'accusant d'être «politisé» et «à la solde d'Israël».

«Pour le Hezbollah, si le gouvernement libanais décide que le tribunal est nul et non avenu, cela serait un pas important dans la bonne direction», explique Hilal Khachane, professeur de sciences politiques à l'Université américaine de Beyrouth.

«Le tribunal n'aurait ainsi plus de mécanisme pour appliquer ses décisions, notamment quand il s'agit d'appréhender au Liban des personnes poursuivies», a-t-il ajouté.

Dans une incroyable volte-face, le premier ministre Saad Hariri, fils de Rafic, a affirmé début septembre avoir commis une «erreur» en accusant la Syrie du meurtre de son père.

«Saad Hariri a fait une concession colossale équivalente à un tremblement de terre (...) et ce à quoi on assiste maintenant, ce sont les répliques, qui peuvent être aussi désastreuses que le séisme» lui-même, souligne M. Khachane.

Ainsi, Jamil Sayyed, un ex-général libanais écroué pendant quatre ans dans le cadre de l'enquête et libéré en 2009 en raison de l'absence d'«éléments de preuve suffisants», s'est attaqué à Saad Hariri.

Il l'a accusé d'avoir «vendu le sang» de son père et d'avoir «faussé les pistes dès le départ», critiquant également la justice libanaise et le TSL et appelant les Libanais «à refuser l'état des choses (dans le pays) même si cela nécessite de faire tomber l'État par la force».

La justice libanaise a lancé des poursuites contre lui à la suite de ces propos.

Chafic Masri, un expert en droit international, craint que les tensions dégénèrent en violences: «Le tribunal est une institution internationale dans laquelle personne ne peut s'ingérer (...) mais personne ne sait où va mener cette boule de feu».

Si des membres du Hezbollah sont accusés par le TSL, certains craignent une répétition du conflit de mai 2008 qui avait opposé des partisans du mouvement chiite à des partisans de Saad Hariri, rappelant les années de la guerre civile (1975-90).

«Le Hezbollah et ses alliés veulent que le premier ministre change de position sur le tribunal et, s'il ne le fait pas, ils peuvent faire pression sur lui», estime Paul Salem, directeur du centre Carnegie pour le Moyen-Orient.

«Ils peuvent faire tomber le gouvernement ou pousser à des troubles civils», poursuit-il. «Hariri est dans une position très, très, très difficile».

Le Hezbollah, soutenu par la Syrie et l'Iran, a deux ministres dans le gouvernement d'union et représente la force politique et militaire la plus puissante du Liban.

C'est la seule formation libanaise à ne pas avoir déposé les armes à la fin de la guerre civile, arguant que son arsenal devait être utilisé pour protéger le Liban contre toute agression israélienne.

Pour Hilal Khachane, «Saad Hariri n'a aujourd'hui comme option que celle de faire des concessions (...) il s'est placé dans une situation où le loup est le juge».