Une iranienne dont la condamnation à mort par lapidation a suscité une vague d'indignation dans le monde a avoué son implication dans le meurtre de son mari lors d'une entrevue diffusée à la télévision d'État mercredi soir. Ses avocats croient toutefois que ces déclarations ont été obtenues sous la contrainte.    

Sakineh Mohammadi-Ashtiani, âgée de 43 ans, avait été inculpée en mai 2006 pour avoir eu des «relations illicites» avec deux hommes après la mort de son mari. Elle avait été condamnée à 99 coups de fouets. Quelques mois plus tard, elle avait été reconnue coupable d'adultère et condamnée à être lapidée.

Il y a un mois, l'État iranien lui a accordé un sursis pour des raisons «humanitaires» après que, dans le monde entier, des groupes de défense des droits eurent dénoncé la cruauté du châtiment. La condamnation de Mme Mohammadi-Ashtiani a également été critiquée par la communauté internationale, y compris par la secrétaire d'État américaine, Hillary Clinton.

À la fin du mois de juillet, le président du Brésil, Luiz Iñacio Lula da Silva, qui entretient de bonnes relations avec l'Iran, a même proposé l'asile à la prisonnière.

La semaine dernière, un haut responsable judiciaire iranien a toutefois révélé que, en plus d'un double adultère, Sakineh Mohammadi-Ashtiani avait été reconnue coupable de complot pour tuer son mari et que l'affaire était toujours en examen.

»Nouvelles accusations»

L'entrevue a été diffusée mercredi soir à la télévision d'État iranienne dans la foulée de ces «nouvelles» accusations. Elle a été enregistrée à la prison de Tabriz, où la femme est détenue depuis deux ans.

Dans l'entretien, une femme enveloppée d'un tchador noir (qui ne laisse voir que le nez et un oeil) est présentée comme Sakineh Mohammadi-Ashtiani. Elle parle en azéri (turc), et ses propos sont traduits en persan. Elle affirme notamment qu'un homme avec lequel elle était en relation lui avait proposé de tuer son mari et qu'elle l'avait laissé commettre le meurtre en sa présence.

Hier, l'avocat de Mohammadi-Ashtiani, Houtan Kian, a déclaré au quotidien britannique The Guardian que cet «aveu» avait été obtenu sous la contrainte. «Elle a été frappée violemment et torturée jusqu'à ce qu'elle accepte d'apparaître à la caméra», a-t-il affirmé.

Un autre avocat de l'Iranienne, Mohammad Mostafaie, qui a fui le pays et qui se trouve présentement en Norvège, estime lui aussi que les déclarations ont été obtenues sous la contrainte.

«Nous devrions prendre ce qu'elle dit avec prudence», a-t-il déclaré à la chaîne BBC World News. «À mon avis, cette émission est produite par les services de sécurité, en particulier le ministère de l'Information. Ils diffusent principalement des mensonges et de la désinformation.»

Selon Houchang Hassan Yari, professeur au Collège militaire royal du Canada et spécialiste de l'Iran, cette façon de faire est chose courante dans le pays. «Son cas n'est pas exceptionnel. Depuis plusieurs années, le régime utilise les confessions devant la caméra dans les procès hautement médiatisés. Ce qui est remarquable, c'est que toutes les personnes qui ont pu sortir de prison ont immédiatement affirmé qu'elles avaient fait leurs aveux sous la torture», a-t-il expliqué.

À son avis, la diffusion des «aveux» de Sakineh Mohammadi-Ashtiani est une riposte à la campagne internationale d'indignation, un effort pour calmer l'opposition à l'intérieur du pays ainsi qu'une tentative d'intimidation à l'égard de ses avocats. «Cette histoire est un signe très clair de l'échec du système judiciaire iranien», a-t-il ajouté.

Avec AP et AFP