Les corps des huit humanitaires occidentaux retrouvés dans le nord de l'Afghanistan ont été rapatriés dimanche à Kaboul, et l'enquête continue pour déterminer qui les a tués au lendemain de la revendication des talibans visant des «missionnaires chrétiens».

Les huit - six Américains, une Britannique et une Allemande - ainsi que deux Afghans ont été tués par balles dans la province du Badakhchan, une région réputée calme du nord-est de l'Afghanistan.

L'ambassade des États-Unis à Kaboul a annoncé que les corps avaient été rapatriés en milieu de journée et identifiés avec l'aide de responsables afghans et de représentants des consulats et ambassades américain, britannique et allemand.

«Nous pouvons désormais confirmer que six Américains figurent parmi les personnes décédées au Badakhchan», a déclaré la porte-parole de l'ambassade américaine, Caitlin Hayden, en soulignant que l'identité des victimes ne serait pas rendue publique par respect pour les familles.

Dans un communiqué, la secrétaire d'État américaine, Hillary Clinton, a condamné l'assassinat des humanitaires et s'est dite bouleversée «par la perte de ces personnes héroïques et généreuses». Elle a également dénoncé «la tentative grossière des talibans pour justifier l'injustifiable en proférant de fausses accusations sur leurs activités en Afghanistan».

Le groupe d'humanitaires - médecins, ophtalmologues, dentiste et infirmières - était mené par un Américain vivant de longue date à Kaboul, selon Dirk Frans, le directeur exécutif d'International Assistance Mission (IAM), une organisation chrétienne pour qui travaillait Tom Little, le chef de l'équipe.

Le groupe voyageait à bord de voitures tout-terrain en raison du relief montagneux de la région, mais ne disposait pas de gardes pour assurer sa sécurité. Les humanitaires revenaient du Nouristan voisin, province sous forte influence talibane, quand ils ont été tués juste après leur entrée dans le Badakhchan, dans le district de Kuran wa Minjan.

Tom Little vivait en Afghanistan depuis les années 70 et parlait couramment le dari. Cet Américain avait son «franc-parler», ne cachait pas sa foi, mais ne cherchait pas à convertir les Afghans, selon M. Frans.

Il avait invité le docteur Karen Woo, une Britannique de 36 ans, qui aurait quitté un emploi dans le secteur privé à Londres pour travailler à Kaboul.

«Elle allait dans les endroits les plus dangereux d'Afghanistan pour aider les gens. Elle était comme ça. Elle était sérieuse et professionnelle», a déclaré son compagnon, Mark Smith, interrogé par la BBC.

À Londres, le ministre britannique des Affaires étrangères William Hague a qualifié le meurtre de Karen Woo d'«acte déplorable et lâche qui va à l'encontre des intérêts des Afghans qui dépendaient des services qu'elle contribuait courageusement à fournir».

Plusieurs corps pourraient être enterrés, «à la demande des familles», dans le cimetière britannique, dans le centre de Kaboul.

Les talibans ont affirmé avoir tué les humanitaires, parce qu'ils étaient des «missionnaires chrétiens» portant des bibles en dari.

De son côté, le ministère de l'Intérieur a ouvert une enquête mais estime qu'«il est prématuré de dire qui a organisé l'attaque, à qui sont affiliés (les assassins) et quelles étaient leurs motivations».

«C'est de plus en plus confus. Les talibans les ont d'abord accusés de prosélytisme. Après, les talibans ont aussi dit qu'il s'agissait d'une équipe d'espions de l'Otan et ne font plus référence au christianisme», explique le directeur de l'ONG IAM.

Le groupe avait passé plusieurs jours et nuits dans la région, selon le récit de Saifullah, un Afghan survivant de l'attaque, cité par le chef de la police du Badakhchan, Aqa Noor Kintoz.

«Le dernier jour, un groupe d'hommes armés est arrivé, les a alignés et les a abattus. Ils ont volé leurs affaires et leur argent», a dit Aqa Noor Kintoz en rapportant le témoignage de Saifullah.

Pour un Occidental vivant depuis vingt ans en Afghanistan, la mort des humanitaires est des plus «étranges». «Des voleurs qui laissent les objets qui ont le plus de valeur, les voitures? Ils auraient simplement pu les voler et les laisser vivants», estime-t-il sous couvert de l'anonymat.

«On connaît la valeur d'un étranger. Ils auraient pu les monnayer. Et pourquoi attirer l'attention sur eux?», demande-t-il.

À Kaboul, les ONG, sous le choc, réfléchissent aux mesures à prendre. «Nous ne gèlerons pas ou ne réduirons pas nos activités», dit Nasrullah Wali, le coordinateur en chef de l'ONG Handicap International. «Mais il y aura des implications. Nous prendrons des mesures de sécurité supplémentaires.»