Vêtue d'une robe bleue et d'un foulard blanc, Oum Omar tire sans ciller avec le pistolet de son mari policier dans le jardin de sa maison à Ramadi, capitale de la province sunnite d'Al-Anbar, à l'ouest de Bagdad, qui reste encore très dangereuse.

«Je déteste le bruit des armes à feu, mais ce sont les terroristes qui m'ont obligée à apprendre à les utiliser car je dois protéger mes enfants et ma maison», affirme cette femme de 27 ans, mère de trois enfants dont le plus âgé a 12 ans.

Cette région, où les insurgés - notamment Al-Qaïda - ont fait la loi de 2003 à 2007, reste l'une des plus violentes d'Irak même si la rébellion a été défaite sous les coups de boutoir des milices tribales.

Le mari d'Oum Omar, Ahmed Karim, un sergent de police de 32 ans, doit souvent partir en mission et avoue être rassuré depuis qu'elle manie avec dextérité son arme de poing.

«Il y a quelques mois, des hommes armés ont tenté de rentrer chez nous pour m'enlever. J'étais absent mais les cris de ma femme les ont fait fuir. Ensuite, j'ai décidé de lui apprendre à se servir d'un pistolet», dit-il fièrement.

Beaucoup d'épouses de fonctionnaires, de membres des services de sécurité, d'élus provinciaux et de journalistes ont commencé à s'entraîner et à s'armer à partir de juin 2009, quand les insurgés ont attaqué les maisons de notables ou d'agents de la force publique.

Dans cette province désertique, les prés et les jardins qui bordent l'Euphrate servent de champs de tir, à l'abri des regards indiscrets. Le pistolet et (le fusil d'assaut) AK-47 y sont les armes de prédilection.

«Comme épouses de responsables de la sécurité, nous devons protéger nos familles quand nos hommes protègent le pays», assure Ghada Ahmed, 24 ans, mère de deux filles et deux fils, dont le plus âgé a six ans.

«Ce sont (les épouses) qui défendent leur demeure le soir, quand le mari est absent ou revient épuisé d'une journée de travail», ajoute cette robuste femme portant une robe imprimée marron et turquoise et coiffée d'un foulard rose.

Elle habite Fallouja, à 50 km à l'ouest de Bagdad, mais a appris le maniement des armes dans l'exploitation familiale, hors de la ville, et tire aujourd'hui avec aplomb à la carabine et à la kalachnikov.

«Les attaques continuelles contre nous nous ont poussés à réagir», dit-elle en faisant allusion aux 10 000 soldats et policiers tués depuis 2003 par les insurgés, qui les considèrent comme des «suppôts de l'occupant».

Mi-juin, un ancien membre de la milice anti Al-Qaïda et cinq membres de sa famille ont été abattus dans une attaque nocturne contre leur maison, non loin de Fallouja.

Paradoxalement, dans cette région très conservatrice, les responsables policiers, chefs tribaux et dignitaires religieux voient les femmes armées d'un bon oeil. «C'est une évolution moderne. Nous n'avons aucune objection, bien au contraire», assure le général Bahaa al-Qaïsi, chef provincial de la police.

«Il faut bien qu'elles nous aident car nous n'avons pas assez de policiers  pour protéger tout le monde», souligne-t-il. La province compte 24.000 policiers pour 1,9 million d'habitants.

Pour le chef tribal cheikh Adnane Khamis, cela s'inscrit dans les traditions de bravoure arabe. «Voir les femmes porter des armes est d'une grande noblesse. Elles ont toujours participé aux guerres avec les hommes et ont tenu leur rang dans l'histoire», explique cet homme, l'un des leaders du clan des Alboualwan.

Même les religieux approuvent, comme cet imam de Ramadi, qui n'a pas souhaité dévoiler son nom. «Apprendre à une femme à manier une arme pour protéger ses enfants et sa maison est inscrit dans la loi islamique et mentionné dans les paroles du prophète», assure-t-il.