Un projet de loi qui maintient la possibilité de marier des jeunes filles à partir de 15 ans en Jordanie cristallise les tensions entre islamiques conservateurs et associations féministes, quatre mois avant les élections générales.

L'âge légal du mariage est maintenu à 18 ans pour les hommes et pour les femmes, mais le projet de loi présenté en juin prévoit qu'un «comité de Qadis» (chefs religieux) puisse autoriser exceptionnellement des mariages à partir de 15 ans, au grand dam des associations féministes qui espéraient un changement.

Bouthaina Freihat, militante du Centre national des droits de l'Homme, fait état de dizaines de plaintes liées à des mariages de mineures avec des hommes âgés. «Nous avons eu le cas d'une fille de 16 ans qui a épousé un homme de 80 ans avec l'accord du Qadi grâce au régime d'exception».

Dans le cadre des législatives du 9 novembre 2010, ce projet de loi apparaît comme un moyen, pour le gouvernement, de se rapprocher des mouvements islamiques conservateurs.

Le régime cherche à protéger sa stabilité et son identité, qu'il sent menacées, en s'appuyant sur les forces locales et conservatrices, et donc en limitant les réformes «libérales» à la veille des élections. Celles-ci devraient faire émerger à nouveau un Parlement dominé par les forces tribales.

Pour Nadia Sharmoukh, responsable de l'Association des femmes jordaniennes, «le mariage peut être une solution pour une fille de moins de 18 ans, engagée dans une relation illicite et qui veut éviter un enfant illégitime». Mais elle affirme fortement qu'«autoriser le mariage de filles âgées de 15 ans signifie légaliser leur viol».

Les associations féministes demandent donc une précision des cas exceptionnels dans lesquels pourraient être prononcés des mariages avant 18 ans.

Le Conseil des Oulémas des Frères Musulmans s'est lui félicité du projet de loi. Il s'est montré en revanche très critique sur la nouvelle loi électorale adoptée en mai, qui a maintenu le système uninominal, «à contre courant des réformes» et qui favorise l'affiliation tribale des députés, chaque tribu votant pour son représentant.

Pour le chef des Frères musulmans en Jordanie, Hammam Saïd «la Charia (loi islamique) autorise le mariage aux moins de 18 ans si les conjoints ont atteint une certaine maturité».

«Si une fille est mûre sexuellement et mentalement, pourquoi ne se marierait-elle pas, plutôt que de la laisser prendre le chemin de l'éducation occidentale dont nous connaissons tous les conséquences désastreuses?», a-t-il déclaré à l'AFP.

M. Saïd a dénoncé l'influence des Associations féminines jordaniennes sur l'introduction en 2001 du droit de divorce aux femmes sans l'accord du mari et sans témoins si elles renoncent à toute compensation financière, droit maintenu dans l'amendement de la loi.

«Nous rejetons ces traditions de l'Occident et nous nous opposons à toutes les parties suspectes qui soutiennent la liberté de la femme», a-t-il dit.

Selon le département des statistiques de Jordanie, 16 513 femmes se sont mariées entre 15 et 18 ans en 2008, sur un total de 60 922 mariages.

Pour le sociologue Issa Massarweh, «le mariage des mineurs en Jordanie est une conséquence de la pauvreté et du chômage, et constitue un problème social majeur».