Brian Prescott-Decie vit au Liban depuis 12 ans. Il est marié à une Libanaise. Ils ont une fille de 8 ans et un garçon de 7 ans.

M. Prescott-Decie est citoyen britannique. Tout comme ses deux enfants, nés au Liban, où ils ont vécu toute leur vie.

 

Selon la loi, une Libanaise ne peut transmettre sa citoyenneté à son mari et à ses enfants. Étrangers, ils ont besoin d'un permis de résidence ou de travail renouvelable pour demeurer au pays. Certains métiers ne leur seront jamais accessibles. Ils n'auront jamais droit à la sécurité sociale ou au système de santé public.

Plus de 77 000 personnes seraient affectées par cette loi, femmes, maris et enfants confondus, selon une étude de l'UNPD/Lebanese Women Rights and Nationality Law Project, publiée en décembre.

La loi ne touche pas les hommes libanais mariés à des étrangères.

Un droit

Hier, une centaine de personnes ont marché dans les rues de Beyrouth pour dénoncer cette loi, jugée discriminatoire. «Ma nationalité est mon droit pour moi et ma famille», «Le droit pour Samira, le droit pour toutes les femmes libanaises», ont crié les manifestants.

Samira Soueidan est devenue une figure emblématique du mouvement. Veuve d'un Égyptien, elle vit au Liban avec ses quatre enfants, d'âge universitaire. Sa demande pour qu'ils soient naturalisés a été rejetée en cour d'appel en mai. Elle entend se battre jusqu'à la plus haute instance du pays pour faire renverser la décision.

«C'est injuste, dit-elle. Mes enfants souffrent. Avoir la citoyenneté devrait être leur droit. Ils veulent vivre ici, mais rien n'est assuré.»

Il y a une dizaine de jours, le gouvernement a adopté une nouvelle mesure pour les maris et enfants étrangers. Un décret leur permet d'obtenir un permis de séjour spécial de trois ans, même s'ils n'occupent pas d'emploi au pays.

Toutefois, il ne semble pas être appliqué, constate le Collective for Research and Training on Development-Action (CRTD-A), l'organisme derrière la marche d'hier.

«Les gens dont nous savons la démarche qui ont essayé de s'en prévaloir n'ont pas réussi, dénonce la directrice générale de l'ONG, Lina Abou-Habib. C'est un tout petit pas qui ne veut rien dire. C'est inadmissible.»

La question palestinienne

Si le gouvernement libanais rechigne à changer la loi, qui date de 1925, ce serait pour empêcher la naturalisation des réfugiés palestiniens et préserver ainsi l'équilibre confessionnel, croient plusieurs.

Au Liban, les Palestiniens sont considérés comme des réfugiés et ne peuvent obtenir la citoyenneté. Leur naturalisation fait craindre une augmentation du nombre de musulmans sunnites au pays. Le système politique libanais est basé sur une distribution des sièges selon les cultes dominants.

Or, parmi les femmes mariées à un étranger, seules 21,7% le sont à un Palestinien, selon l'étude publiée par l'UNPD.

«Nous n'acceptons pas d'être traitées comme ça, en disant que les femmes libanaises sont un projet politique pour la naturalisation des Palestiniens», dénonce Farah Kobaissy, militante présente à la marche.

En attendant un changement dans la loi, les familles vivent dans la peur d'être séparés.

«Mes enfants ne sont pas libanais et ne pourront jamais passer les examens officiels nécessaires pour faire partie d'un ordre. Ils ne pourront jamais être pharmaciens, médecins ou avocats dans ce pays. Ils devront donc quitter le Liban s'ils veulent exercer certains métiers», déplore M. Prescott-Decie.

Son fils, à deux pas de lui, agite un drapeau libanais, dessiné à la main.