Ils ont applaudi les lance-roquettes, se sont fait prendre en photo avec les combattants et ont écouté leurs récits de guerre... Plus de 400 étudiants libanais étaient en excursion ce week-end dans un bastion du Hezbollah au Liban-Sud, une «visite guidée» organisée par le Parti de Dieu chiite à l'occasion du dixième anniversaire du retrait israélien.

Dans le même esprit, le Hezbollah a inauguré vendredi, à Mlita, le premier musée permanent à sa propre gloire. En se lançant dans le «tourisme djihadiste», le mouvement pro-iranien fête les dix ans du retrait unilatéral israélien du Liban-Sud, le 25 mai 2000, tout en menant une opération-séduction tous publics.

«Nous amenons les étudiants dans le secteur autrefois occupé par Israël pour leur montrer comment la résistance, avec ses maigres moyens, a réussi à battre la plus forte armée du monde», résume Djihad Hammoud, organisateur de ce tour surnommé «voyage de la dignité».

L'État hébreu a occupé une bande de territoire dans le sud du Liban pendant 22 ans, avant de se retirer, face au harcèlement constant de ses forces par le Hezbollah et le nombre croissant de victimes dans ses rangs.

Le retrait fit du Hezbollah l'incarnation pour le monde arabe du mouvement de résistance ayant réussi à libérer un territoire sans rien céder. Une réputation renforcée par la guerre de l'été 2006 entre le mouvement chiite et Israël, qui s'acheva sans que les forces de l'État hébreu ne réussissent à neutraliser le Hezbollah, après un mois de combats et bombardements, qui firent environ 1 200 morts au Liban et 160 en Israël.

Si le Hezbollah n'a tiré aucune roquette sur Israël depuis 2006, il est largement considéré comme ayant reconstitué son arsenal, en plus moderne. Et a en parallèle consolidé son pouvoir sur le terrain politique: il est entré dans un gouvernement d'union nationale aux côtés de la coalition soutenue par les pays occidentaux.

Samedi, ils étaient donc 450 étudiants de l'Université américaine au Liban, tant chrétiens que musulmans, à participer à cette excursion hebdomadaire avec le Hezbollah. Ils ont marché dans les collines de Sojod jusqu'à l'endroit où, selon leur guide, le fils du chef spirituel du mouvement, Hassan Nasrallah, Hedi, fut tué lors d'une attaque de la guérilla sur les positions israéliennes en 1997.

Les étudiants ont pris des photos, bavardé avec les combattants, applaudi les lance-roquettes Katioucha et les batteries de DCA, au son des hauts-parleurs diffusant les discours de cheikh Nasrallah...

Le Hezbollah cherche à se refaire une image de parti politique plus traditionnel et l'opération-séduction en direction des étudiants en faisait partie. «C'est un voyage très bien organisé», a jugé Rana Mhaydleh, 19 ans. «Je crois que c'est très important de voir le Hezbollah par soi-même, parce qu'il y a beaucoup de préjugés».

Les étudiants ont ensuite visité le tout nouveau musée du Hezbollah à Mlita, où les armes et chars pris aux soldats israéliens ou à leurs supplétifs libanais de l'ALS côtoient un mémorial aux combattants morts.

«Nous espérons que ce centre touristique djihadiste sera une première étape de la préservation de l'histoire de notre résistance héroïque», a lancé par vidéoconférence cheikh Nasrallah lors de l'inauguration vendredi.

Le vaste complexe de Mlita, sur 60 000 mètres carrés, comprend des grottes et plusieurs salles, ainsi qu'un terrain où est reconstitué, avec des mannequins grandeur nature, un affrontement entre guérilleros et soldats israéliens.

À l'heure du dixième anniversaire du retrait israélien du Liban-Sud, Israël et les États-Unis s'inquiètent, estimant que le Hezbollah s'est doté d'armes sophistiquées auprès de ses «parrains», la Syrie et l'Iran.

Le Hezbollah ne confirme ni ne dément. Mais Nasrallah dit avoir les moyens désormais de frapper jusqu'au coeur d'Israël, jusqu'à Tel Aviv... Le Hezbollah dit estimer qu'en cas de nouveau conflit, il sera cette fois vainqueur. Et que la face de la région en sera changée.

Si certains pensent qu'une nouvelle guerre est inévitable, d'autres la jugent improbable, au regard du nouvel équilibre des forces. «Le coût d'une attaque (...) est devenu si élevé que faire la guerre n'a plus la même logique qu'autrefois», notait samedi l'analyste Rami Khouri dans le quotidien Daily Star.