Les pourparlers indirects entre Israéliens et Palestiniens sous l'égide des Etats-Unis ont commencé, a annoncé dimanche le principal négociateur palestinien Saëb Erakat, une ébauche de déblocage du processus de paix malgré un climat de scepticisme.

«Nous pouvons dire aujourd'hui que les pourparlers de proximité ont commencé», a affirmé M. Erakat à la presse à Ramallah, en Cisjordanie.

«Aujourd'hui, le 9 mai, les négociations ont commencé au niveau du président (Mahmoud Abbas) et (du Premier ministre israélien Benjamin) Netanyahu», a-t-il ajouté, à l'issue d'un entretien entre le chef de l'Autorité palestinienne et l'émissaire américain George Mitchell, le troisième en 48 heures.

M. Mitchell, en mission dans la région depuis lundi dernier, n'a fait aucun commentaire après la rencontre et devait immédiatement quitter la région pour Washington.

Ces pourparlers indirects, dits «de proximité», consacrent les efforts de l'administration Obama pour débloquer le processus de paix au Proche-Orient après le gel des négociations directes en décembre 2008, à la suite de l'offensive israélienne contre le mouvement islamiste Hamas à Gaza.

Ils prendront la forme de navettes de M. Mitchell entre Jérusalem, Ramallah et Washington, pendant quatre mois, et couvriront notamment les questions liées aux frontières, une revendication palestinienne, et à la sécurité d'Israël, comme le réclame M. Netanyahu.

Pas de contact direct entre Israéliens et Palestiniens

M. Erakat a souligné qu'il n'y aurait pas de contact direct entre Israéliens et Palestiniens.

«Il n'y a pas de négociations entre nous et le gouvernement israélien, a-t-il dit. Les discussions se tiennent avec Mitchell et la partie américaine, et ils (les Américains) feront la navette entre les deux parties».

Les questions de Jérusalem, des réfugiés, de l'eau et de la colonisation juive seront également évoquées, a-t-il ajouté.

La direction palestinienne, bien que divisée, avait donné son feu vert au lancement des discussions indirectes samedi.

Dimanche, à l'ouverture du conseil des ministres hebdomadaire, Benjamin Netanyahu a estimé qu'il fallait passer «le plus vite possible» à des négociations directes avec les Palestiniens.

«Il est impossible d'instaurer la paix à distance avec une télécommande», a-t-il souligné, se félicitant que les discussions indirectes auraient lieu «sans conditions préalables» comme il le demandait.

Grand scepticisme chez les citoyens

Le processus suscite toutefois un grand scepticisme, voire de l'hostilité, chez les Palestiniens et les Israéliens, des divergences fondamentales persistant sur ces dossiers-clés.

Le ministre israélien de la Défense et chef du Parti travailliste (centre-gauche) Ehud Barak a préconisé dimanche un élargissement de la majorité actuelle au Kadima, le principal parti d'opposition (centriste).

«Les progrès dans le processus de paix nécessitent un examen sérieux et responsable de la possibilité d'un élargissement du gouvernement», a estimé M. Barak.

La coalition actuelle comprend notamment des formations ultranationalistes, comme Israël Beiteinou du ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman, ainsi que des partis ultra-orthodoxes tels que le Shass, opposés à des concessions en particulier sur le secteur oriental de Jérusalem à majorité arabe.

La dirigeante du Kadima, Tzipi Livni, s'est félicitée des prochaines négociations indirectes.

«Il est bon que les discussions aient lieu, car toute impasse est négative pour Israël. Mais le gouvernement a traîné les pieds, il s'est refusé à prendre des initiatives», a déploré Mme Livni, ancienne ministre des Affaires étrangères.

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LE PROCESSUS DE PAIX EN DATES

- 30 oct 1991: Conférence de paix israélo-arabe à Madrid, parrainée par Washington et Moscou, réunissant pour la première fois Israéliens et Palestiniens. Elle restera sans effet.

- 13 sept 1993: Après six mois de négociations secrètes et directes à Oslo, Israël et l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP) se reconnaissent mutuellement et signent à Washington une Déclaration de principes sur une autonomie palestinienne transitoire de cinq ans. Le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin et le chef palestinien Yasser Arafat échangent une poignée de main historique.

- 4 mai 1994: Accord sur l'autonomie de Gaza et Jéricho (Cisjordanie) entériné au Caire. Israël évacue 70% de la bande de Gaza et l'enclave de Jéricho.

- 28 sept 1995: A Washington, accord intérimaire («Oslo II») sur l'extension de l'autonomie en Cisjordanie, prévoyant une série de retraits israéliens.

- 4 nov 1995: Yitzhak Rabin est assassiné à Tel-Aviv par un extrémiste de droite juif.

- 23 oct 1998: A Wye Plantation (Etats-Unis), accord intérimaire sur les modalités d'un retrait israélien de 13% de la Cisjordanie.

- 11-25 juil 2000: Au sommet de Camp David (Etats-Unis), Palestiniens et Israéliens achoppent sur le problème de Jérusalem et des réfugiés. Deux mois après éclate la seconde Intifada (soulèvement).

- déc 2000: Plan de paix du président américain Bill Clinton servant de base à des discussions à Taba (Egypte) qui ne déboucheront sur aucun accord.

- 28 mars 2002: Le sommet arabe de Beyrouth adopte l'Initiative de paix saoudienne (normalisation des relations des pays arabes avec Israël en échange d'un retrait des territoires occupés et du règlement de la question des réfugiés palestiniens).

- 24 juin 2002: Le président américain George W. Bush évoque la solution de «deux Etats pour deux peuples» vivant en paix côte à côte.

- 30 avr 2003: Publication de la «Feuille de route», élaborée par le Quartette sur le Proche-Orient qui prévoit la création d'un Etat palestinien d'ici à 2005 après la fin des violences côté palestinien et un gel de la colonisation israélienne.

- 1er déc 2003: Des personnalités israéliennes et palestiniennes présentent un plan de paix alternatif, l'Initiative de Genève.

- 12 sept 2005: Israël se retire de la bande de Gaza après 38 ans d'occupation, conformément au plan de désengagement unilatéral du Premier ministre Ariel Sharon.

- juin 2007: Le mouvement islamiste Hamas opposé à un accord de paix avec Israël prend le contrôle de la bande de Gaza lors d'un coup de force contre l'Autorité palestinienne.

- 27 nov 2007: A Annapolis (Etats-Unis), Israéliens et Palestiniens conviennent de tenter de parvenir à un accord de paix d'ici à la fin 2008.

- 27 déc 2008: Israël lance l'opération militaire «Plomb durci» contre le Hamas dans la bande de Gaza (cesse-le-feu le 18 janvier 2009). A la suite de cette offensive, l'Autorité palestinienne refuse de reprendre les négociations avec Israël, après une année d'efforts infructueux.

- 14 juin 2009: Le Premier ministre de droite Benjamin Netanyahu accepte pour la première fois l'idée d'un Etat palestinien, mais démilitarisé et à souveraineté limitée.

- 8 mai 2010: L'Autorité palestinienne accepte le principe de pourparlers indirects avec Israël sous l'égide des Etats-Unis, qui commencent le lendemain.