Elle a quitté le Népal pour travailler au Liban comme aide domestique. Ce qui devait lui permettre d'envoyer de l'argent à son mari et ses deux enfants a rapidement tourné au cauchemar.

«Monsieur et madame me battaient, raconte dans un anglais rudimentaire la femme de 34 ans, qui désire garder l'anonymat. Je ne parlais ni arabe ni anglais, et quand je ne comprenais pas, ils me battaient. Quand ils n'étaient pas satisfaits de mon travail, ils me battaient.»

Au bout de six mois, elle s'est enfuie. Sans passeport, confisqué par son employeur, elle s'est réfugiée dans l'un des trois foyers destinés aux aides étrangères du Centre des migrants de Caritas.

Son cas est loin d'être une exception au Liban. Quelque 100 000 étrangers y possèdent un permis de travail à titre d'aide domestique, selon les chiffres de 2008 du ministère du Travail. Human Rights Watch estime à près de 200 000 leur nombre réel.

«Une grande partie n'a plus de permis ou est dans une situation irrégulière. C'est dur de dire combien elles sont. Mais c'est sûrement plus de 150 000», note Nadim Houry, directeur de l'organisme à Beyrouth.

Vulnérables aux abus

Les employées domestiques étrangères, en majorité des femmes, sont particulièrement vulnérables aux abus. Aucune loi ne les protège. Rien ne leur garantit un salaire minimum ou une véritable limite d'heures travaillées.

Un grand nombre se font confisquer leur passeport par leur employeur. Certaines ne sont pas payées, sont privées de sortie ou de communication avec l'extérieur. Un pourcentage plus restreint subit des violences physiques.

Les Philippines ont été jusqu'à émettre une interdiction pour empêcher leurs ressortissants de travailler comme employés de maison au Liban, afin de dénoncer l'absence de législation. L'Éthiopie a aussi pris une mesure similaire.

Devant la pression, le Liban a instauré l'an dernier un contrat unifié, qui garantit notamment une journée de congé aux aides domestiques. Celui-ci doit être signé par l'employeur, mais n'a pas la valeur d'une loi.

«Le contrat est un pas dans la bonne direction, mais on a encore beaucoup de critiques. Il n'est pas nécessairement appliqué de façon sérieuse», note M. Houry.

Sensibilisation et poursuites

Les procédures devant la justice restent longues. En décembre dernier, une femme d'origine philippine a cependant obtenu gain de cause contre son ancienne patronne, condamnée à 15 jours de prison pour mauvais traitements.

Les campagnes de sensibilisation commencent à porter leurs fruits, constatent les responsables de Caritas. «Les mentalités progressent, note Hessen Sayah, directrice de projet pour la protection et le soutien aux migrants. Plus de Libanais nous appellent pour rapporter des cas d'abus.»

L'organisme vient de lancer une campagne en partenariat avec l'Union européenne pour sensibiliser davantage la population au traitement des aides domestiques. Une équipe d'avocats, de conseillers et d'assistants sociaux travaillent au Centre des migrants de Caritas pour venir en aide à ces travailleuses, majoritairement originaires de l'Éthiopie, des Philippines, du Sri Lanka, du Bangladesh et du Népal.

 

Gosselin, JanieUNE MODE

Les garderies à 7$ et les subventions pour les aînés? Inexistantes au Liban. Sur une population de 4 millions, on compterait environ 200 000 aides domestiques étrangères. Un phénomène qui s'explique de plusieurs façons, notamment par l'absence de services publics et le coût peu élevé de ces employées. «Il y a aussi un pourcentage plus élevé de femmes libanaises qui travaillent, sans qu'il y ait eu de renégociation des tâches. L'émancipation des Libanaises s'est faite sur le dos de ces femmes venues d'ailleurs «, note Nadim Houry, directeur de Human Rights Watch à Beyrouth. «Depuis la fin de la guerre, il y a aussi un phénomène de mode, de statut, qui explique que des gens qui n'ont pas les moyens de payer emploient une aide domestique», ajoute-t-il.