L'élimination lundi de deux députés élus, dont un appartenant à la coalition du Bloc Irakien, la liste arrivée en tête du scrutin aux élections législatives, du 7 mars, a plongé le pays dans la confusion qui risque d'aboutir à une crise institutionnelle majeure.

«L'instance judiciaire de la commission électorale a invalidé 52 candidats, dont deux ont été élus, pour leurs liens avec le parti Baas (de l'ancien dictateur Saddam Hussein)», a affirmé à l'AFP Ali al-Lami, directeur général du comité Responsabilité et Justice.

Cette instance est chargée d'identifier les candidats ayant des liens avec l'ancien parti Baas, au pouvoir en Irak jusqu'à l'invasion américaine de 2003.

«L'un d'entre eux, Ibrahim Mohammad Omar, appartient à la liste du Bloc Irakien (Iraqiya, de l'ancien premier ministre laïc Iyad Allawi). Tous les recalés peuvent faire appel mais il y a peu de chance qu'ils soient repêchés», a ajouté ce responsable, candidat malheureux aux dernières élections.

Le premier élu invalidé est le frère de Saleh al-Motlaq, un ténor sunnite dans le Parlement sortant interdit de concourir par ce Comité anti-Baas.

M. al-Lami n'a pas été en mesure d'indiquer à quelle liste appartenait le second élu. Il a précisé que sur 52 éliminés, 22 appartenaient au Bloc Irakien, et les autres à différents partis en compétition.

«Il s'agit de l'assassinat du processus démocratique. Il n'existe pas  d'élections dans le monde qui annulent les votes et pourtant ce qui se passe c'est un crime contre la volonté des électeurs», a affirmé Haïdar al-Mollah, un des porte-parole du Bloc Irakien.

«Nous avons préparé une lettre pour (l'envoyé spécial de l'ONU en Irak Ad) Melkert pour tenter d'en finir avec cette comédie. Nous sommes la cible et on cherche à annuler nos sièges», a-t-il dit à la télévision.

Il a évoqué la possibilité que le Bloc Irakien, qui a fait le plein des voix dans les régions sunnites, se retire totalement du processus électoral. Une telle décision pourrait relancer la guerre confessionnelle, qui a fait des dizaines de milliers de morts en 2006 et 2007.

Ces invalidations peuvent en effet avoir des conséquences considérables sur les résultats des élections selon les interprétations de la loi électorale. M. al-Lami, un chiite qui voue une haine farouche aux Baassistes, a estimé que les «bulletins qui se sont portés sur les candidats éliminés sont annulés», ce qui fait perdre à la liste d'Iyad Allawi au moins un siège.

Cependant, un membre de la commission électorale Iyad al-Kinani a indiqué à l'AFP que cela ne changeait rien aux résultats car les candidats arrivés à leur suite sur la liste les remplaceraient.

Ce nouveau coup de théâtre intervient après la décision de la commission électorale de recompter manuellement les voix dans les 11 000 bureaux de vote de la province de Bagdad, à la demande de la liste de l'État de droit du premier ministre Nouri al-Maliki.

Le décompte n'a pas encore commencé et pourrait durer selon les interlocuteurs entre dix jours et deux mois, alors que la pays sonnait un vide institutionnel.

À l'issue des législatives du 7 mars, Iyad Allawi avait obtenu 91 sièges, contre 89 pour Nouri al-Maliki, 70 à l'Alliance Nationale Irakienne (ANI) qui regroupe deux formations chiites conservatrices et 43 à l'Alliance kurde.

M. Maliki avait contesté ces résultats et demandé un décompte manuel dans cinq provinces, n'obtenant gain de cause que pour la capitale.