Le président Hamid Karzaï, constamment pressé de lutter contre la corruption en Afghanistan qui gangrène jusqu'à son gouvernement, a renvoyé jeudi dans les cordes la communauté internationale en l'accusant d'avoir organisé les fraudes massives lors de sa réélection.

«La vérité (...) c'est qu'il y a eu des fraudes lors des élections présidentielle et provinciales, des fraudes massives, très massives», a lancé M. Karzaï devant les membres de la Commission électorale indépendante (CEI).

«Mais elles n'ont pas été commises par des Afghans, ce sont les étrangers qui les ont commises», a-t-il ajouté, au siège de cette institution chargée de surveiller le scrutin présidentiel du 20 août 2009, et accusée alors de lui être entièrement soumise.

M. Karzaï a été réélu de facto après l'abandon de son challenger au second tour, après que la communauté internationale eut pourtant dénoncé des fraudes massives en faveur du sortant.

Ces accusations interviennent quelques jours après une visite surprise à Kaboul du président américain Barack Obama, qui a déploré la lenteur des progrès réalisés par le chef de l'État en matière de la lutte contre la corruption.

La charge lancée jeudi par M. Karzaï ne visait toutefois pas directement les États-Unis. «Les Nations unies, le bureau du représentant adjoint de l'ONU (alors l'Américain Peter) Galbraith, ainsi que celui de (Philippe) Morillon», un général français, chef de la mission d'observateurs de l'UE à l'élection, «ont été le foyer de ces fraudes», a affirmé le chef de l'État.

Interrogés jeudi par l'AFP, un porte-parole de la Mission d'assistance de l'ONU en Afghanistan (Manua), a indiqué «ne pas faire de commentaire à ce stade». De même pour la représentation de l'Union européenne à Kaboul.

La France s'est pour sa part «étonnée» de ces accusations, qu'elle a jugée «sans fondement».

M. Galbraith a été remercié par l'ONU après avoir accusé son supérieur hiérarchique, le Norvégien Kai Eide, alors représentant spécial des Nations unies en Afghanistan, d'avoir «couvert» les fraudes massives en faveur de M. Karzaï. Et l'UE, Philippe Morillon en tête, avait été la première à dénoncer, un mois après le scrutin, ces fraudes portant, selon elle, sur au moins un quart des suffrages validés par la CEI.

M. Galbraith avait notamment estimé qu'un tiers des votes en faveur du chef de l'État sortant étaient frauduleux, une proportion par la suite largement reprise par la communauté internationale.

M. Karzaï, installé à la tête de l'État par la communauté internationale dès la fin 2001 quand une coalition emmenée par les États-Unis a chassé les talibans du pouvoir, a finalement été déclaré vainqueur du scrutin en novembre dernier après l'abandon de son rival Abdullah Abdullah. Et cela avec, finalement, l'assentiment des gouvernements qui fournissent les quelque 128.000 soldats des forces internationales en Afghanistan, dont les deux tiers américains.

Mais il est, notamment depuis l'arrivée du président Barack Obama au pouvoir, sous la pression constante de ses bailleurs de fonds qui le pressent de mettre fin à la corruption qui gangrène le pays jusqu'au sommet de l'État et de faire en sorte que les législatives prévues en septembre prochain, soient exemptes de tout reproche.

«Les fraudes ont été organisées à partir de là», a poursuivi M. Karzaï devant la CEI en évoquant notamment les bureaux de MM. Galbraith et Morillon mais aussi «des ambassades», sans préciser lesquelles. Puis ils ont «nourri» les médias internationaux «pour qu'ils nous accusent de ces fraudes», a-t-il ajouté.