Le Pakistan est intervenu in extremis mardi pour demander aux Nations unies de surseoir à la publication d'un rapport qui s'annonce sensible sur l'assassinat de son ex-Premier ministre Benazir Bhutto, sans donner d'explication à sa démarche, selon l'ONU.

Le porte-parole de l'ONU, Martin Nesirky, a annoncé à la presse que le secrétaire général, Ban Ki-moon, avait «accepté une requête urgente du président du Pakistan, lui demandant de reporter la présentation du rapport jusqu'au 15 avril».

Le document, élaboré par une commission indépendante appointée par l'ONU qui a commencé son enquête le 1er juillet dernier, devait être remis à M. Ban mercredi.

Le président pakistanais, Asif Ali Zardari, est le veuf de Mme Bhutto. Il lui a succédé de facto à la tête du Parti du peuple pakistanais (PPP), actuellement au pouvoir.

M. Nesirky n'a pas donné la raison pour laquelle Islamabad avait demandé ce report, affirmant ne pas la connaître.

«Le rapport est achevé et prêt à être publié», a-t-il souligné. Quant à la raison, «vous devrez la demander aux autorités pakistanaises», a-t-il dit en réponse à un journaliste.

Pressé de questions par une presse très intriguée par cette situation inhabituelle, il a affirmé que le rapport serait in fine publié, que les autorités pakistanaises ne l'avaient pas encore vu et n'en prendraient connaissance que le 15 avril. Il a également assuré que M. Ban n'avait pas lu le rapport non plus.

Une porte-parole onusienne à Islamabad avait indiqué mardi matin que tous les bureaux de l'ONU au Pakistan resteraient fermés pendant trois jours à partir de mercredi, par mesure de sécurité.

Après l'annonce du report de la publication, cette porte-parole, Ishrat Rizvi, a affirmé que la mesure serait maintenue au moins pour mercredi. «Nous n'avons pas encore de nouvelle annonce. Les bureaux seront fermés au moins demain et nous apprécierons alors la situation», a-t-elle dit.

Le 5 octobre, un kamikaze en uniforme militaire avait attaqué le bureau fortifié du Programme alimentaire mondial de l'ONU (Pam) à Islamabad, tuant cinq de ses employés.

La commission d'investigation, de trois membres, est chargée «d'enquêter sur les faits et circonstances de l'assassinat» et non de déterminer «la responsabilité criminelle des auteurs», qui reste du ressort exclusif des autorités pakistanaises.

Elle est dirigée par l'ambassadeur du Chili à l'ONU, Heraldo Munoz. Ses deux autres membres sont Marzuki Darusman, ancien procureur général indonésien, et Peter Fitzgerald, ancien responsable de la police irlandaise. Une conférence de presse de M. Munoz, prévue mardi à l'ONU, a été annulée.

Mme Bhutto, deux fois Premier ministre dans les années 1990, a été assassinée le 27 décembre 2007, en sortant d'un meeting électoral à Rawalpindi, dans la banlieue d'Islamabad.

Alors qu'elle saluait la foule le haut du corps hors de sa voiture blindée, un homme a ouvert le feu sur elle avant de faire exploser la bombe qu'il portait sur lui.

Une équipe de Scotland Yard a conclu que le souffle de l'explosion avait projeté sa tête contre la poignée du toit ouvrant alors qu'elle se baissait, provoquant une blessure mortelle.

Le gouvernement de l'époque, qui soutenait le président d'alors Pervez Musharraf, avait aussitôt accusé les islamistes proches d'Al-Qaeda, qui menaient depuis plus d'un an une campagne extrêmement meurtrière d'attentats suicide dans tout le pays, d'avoir tué Mme Bhutto.

Mais l'entourage de celle-ci a accusé des caciques de l'ancien gouvernement et des responsables des services de renseignement d'avoir commandité l'assassinat.