Son organisation, Lashkar-e-Taïba (l'Armée des purs) est inscrite depuis le 18 juin 2003 sur la liste canadienne des organisations considérées comme terroristes.

Les États-Unis, l'Union européenne, le Conseil de sécurité de l'ONU, la Russie, l'Inde, le Pakistan et l'Australie ont tout autant banni son organisation. Il est considéré par plusieurs comme l'homme le plus dangereux et recherché du Pakistan.

Mais le leader Hafiz Muhammad Saeed défend son innocence et se définit uniquement comme le dirigeant de Jama'at-ud-Da'wah, organisation hybride qui apporte de l'aide humanitaire aux Pakistanais (comme lors du tremblement de terre de 2005) et qui constitue un groupe de prières.

C'est ce qu'il a récemment dit à Robert Fisk, célèbre grand reporter au quotidien anglais The Independent qui est devenu le premier journaliste occidental à l'interviewer.

«Ils ont fait de moi le plus important et le plus monstrueux terroriste. Dites-moi, ai-je l'air d'un terroriste ?» a-t-il demandé à Fisk qui l'a rencontré dans sa maison de Lahore (gardée par deux policiers fortement armés), dans le nord-est du pays.

Dans l'entrevue publiée vendredi dernier dans le journal anglais, Saeed blâme l'action politique de l'Inde pour toute l'attention qu'il génère. «Propagande indienne. Propagande indienne», ne cesse-t-il de dire.

Tant les États-Unis que l'Inde et l'Union européenne estiment que l'organisation Lashkar-e-Taïba (LeT) est responsable de plusieurs massacres survenus en Inde au cours des dernières années, dont les attentats de Bombay qui ont fait 166 victimes en novembre 2008, une attaque à la bombe dans un train qui a tué 221 personnes en 2005 ainsi que des assauts meurtriers à Delhi.

On reproche aussi à l'Armée des purs, que plusieurs observateurs considèrent comme le prochain Al-Qaeda, d'avoir signé une attaque suicide contre des Indiens à Kaboul le mois dernier.

Contre l'invasion soviétique

Né en 1950, M. Saeed a grandi dans une famille conservatrice du Punjab qui a perdu plusieurs de ses membres au moment de la sécession du Pakistan de l'Inde. Éduqué (il a deux diplômes de maîtrise), il a enseigné les études islamiques dans une université de Lahore avant de se rendre en Arabie Saoudite. C'est là qu'il aurait rencontré des scheiks sympathiques au jihad des Afghans contre l'invasion soviétique.

À Robert Fisk, il parle en termes très durs de cette période. «Dès le départ, nous étions farouchement contre l'invasion soviétique, dit-il à propos des groupements auxquels il appartenait. Nous avons appuyé les organisations que combattaient les envahisseurs.» Ce qui comprenait LeT. Mais Hafiz Muhammad Saeed refuse d'aller plus loin. Il dit avoir visité l'Afghanistan à l'époque, mais sans participer aux combats.

A-t-il rencontré Oussama ben Laden? lui demande Robert Fisk. «Seulement une fois, répond-il. Dans les années 1980, je l'ai rencontré brièvement lors de la fête du Haj à La Mecque. Nous étions près l'un de l'autre durant la prière. Nous nous sommes salués, avons échangé quelques paroles. Rien de plus.»

Cachemire

Saeed croit que le combat de LeT pour la libération du Cachemire est justifié, région à l'origine des nombreux tiraillements entre l'Inde et le Pakistan. Comme à l'époque des Soviétiques, il considère que les États-Unis et l'OTAN devraient quitter l'Afghanistan. Il rappelle que le Pakistan l'a fait arrêter six fois et qu'à chaque occasion, les diverses accusations portées contre lui (terrorisme, appartenance à des groupes terroristes, etc.) sont tombées devant les tribunaux. En octobre dernier, de nouvelles accusations portées contre lui ont été abandonnées et son organisation, Jama'at-ud-Da'wah, a reçu l'autorisation de travailler librement.

A-t-il peur de mourir? « Aussi longtemps qu'Allah me veut en vie et que je poursuive ma mission, je suis entre ses mains.» Marié et père de trois enfants, deux filles et un fils, Saeed se définit, dans son curriculum vitae, comme un guide, un enseignant, un philanthrope, un avocat de l'humanitaire et de la tolérance.