Une loi fixant l'âge minimum du mariage pour les femmes à 17 ans, contestée par les islamistes et les conservateurs, suscite la controverse au Yémen, où des manifestations pour ou contre se succèdent alors que le Parlement risque de la vider de toute substance.

Plusieurs centaines de femmes ont manifesté mardi devant le Parlement à Sanaa pour soutenir la loi imposant un âge minimum pour le mariage des filles, votée l'an dernier mais que le Parlement est appelé à réexaminer.

Le mariage des petites filles est courant au Yémen, un pays à forte structure tribale, le plus pauvre de la péninsule arabique.

Le rassemblement était organisé à l'initiative de l'Union générale des femmes yéménites, proche du pouvoir, et d'autres organisations féminines, en riposte à une manifestation de milliers de femmes dimanche à l'appel des islamistes et des conservateurs contre cette loi.

Parmi les manifestantes mardi figurait Nojoud Mohammad Ali, la fillette de 10 ans qui avait obtenu le divorce il y a deux ans après avoir été mariée de force à huit ans, et dont l'histoire a fait le tour du monde et l'objet d'un livre.

«Je suis ici pour demander au Parlement de ne pas toucher à la loi qui fixe l'âge du mariage à 17 ans», a déclaré à la presse la fillette. Elle avait obtenu le divorce après avoir porté plainte auprès d'un tribunal contre son père qui l'avait forcée à se marier à un homme de 20 ans son aîné.

Mais à la délégation venue lui présenter une pétition signée par un million de Yéménites, hommes et femmes, soutenant la loi, le président du Parlement, Yehya al-Rahi, a tenu des propos ambigus.

«Nous allons maintenir l'article fixant l'âge du mariage mais annuler les peines de prison et les amendes qui étaient prévues pour ceux qui ne la respectent pas», a-t-il dit. Une telle initiative viderait la loi de toute sa substance.

Le président du Parlement a entendu auparavant deux plaidoyers en faveur du texte.

Ramzia al-Iriyani, la présidente de l'Union des femmes, a longuement défendu cette législation, regrettant «la tempête politique» qu'elle a soulevée, et a mis les députés devant leur responsabilité, celle de la maintenir.

Mais c'est surtout Nafissa al-Jaïfi, une femme médecin qui préside le Conseil suprême de la femme et de l'enfance, un organisme d'État, qui a plaidé en sa faveur.

«Nous ne parlons pas du mariage des adolescents mais de celui des enfants», a déclaré cette pédiatre, affirmant avoir relevé à travers sa pratique quotidienne de la médecine que les mariages des enfants provoquent entre autres une forte mortalité lors des premiers accouchements, l'interruption de la scolarité des jeunes mariées, un fort taux l'analphabétisme chez celles-ci.

La loi, qui fixe à 17 ans l'âge du mariage pour les filles et à 18 ans pour les garçons, a été votée l'an dernier. Mais des députés de plusieurs tendances politiques avaient demandé au président du Parlement de la réexaminer, ce qui empêche sa promulgation.

En fait, ce sont les islamistes et les conservateurs qui s'y opposent.

Avant d'organiser dimanche une manifestation monstre devant le Parlement, l'association des oulémas du Yémen, que préside le très conservateur cheikh Abdel Majid Zindani, a publié la semaine dernière un communiqué contre la loi.

«Fixer l'âge du mariage est un acte qui contredit les préceptes religieux», proclame ce brûlot qui affirme que les docteurs de la foi musulmans sont unanimes sur la question.

Autre argument des islamistes: le prophète Mahomet s'est marié avec Aïcha alors qu'elle n'avait que neuf ans.