Cheikh Mohamed Sayed Tantaoui, grand imam d'Al-Azhar (Égypte), la plus haute institution d'enseignement de l'islam sunnite, est décédé mercredi en Arabie saoudite d'une crise cardiaque.

Modéré, proche du pouvoir mais aussi controversé, il est décédé dans la matinée d'une attaque foudroyante à 81 ans, alors qu'il se trouvait à l'aéroport de Riyad pour regagner Le Caire.

Le religieux, qui était en Arabie saoudite pour assister à la remise d'un prix international mardi soir, devait être inhumé dans ce pays, à Médine, deuxième lieu saint de l'islam, a indiqué l'un de ses fils.

L'agence officielle saoudienne SPA a annoncé en soirée que des prières avaient été dites à la mémoire de l'imam Tantaoui en présence de responsables saoudiens et de l'ambassadeur d'Égypte Mahmoud Mohamed Aouf dans la grande mosquée de Médine, sans toutefois préciser si le défunt avait été inhumé à l'issue de la cérémonie, comme le veut la religion musulmane.

«Le monde islamique et arabe perd un homme de savoir et un jurisconsulte qui s'était consacré à tout ce qui pouvait être bon pour l'islam et pour les musulmans», a déclaré la direction d'Al-Azhar dans un communiqué.

Le président égyptien Hosni Moubarak, en convalescence en Allemagne après une opération, a salué dans un communiqué «un défenseur de l'esprit de modération, d'éveil et de pardon» de l'islam.

L'imam «était une voix de foi et de tolérance largement respectée parmi les communautés musulmanes en Égypte et dans le monde», a déclaré dans un communiqué Robert Gibbs, le porte-parole du président américain Barack Obama.

Le Vatican a de son côté évoqué le souvenir d'un «homme de paix, de dialogue».

Homme d'allure discrète, portant une barbe courte et habitué à parler à voix basse, l'imam Tantaoui avait été nommé en mars 1996 par M. Moubarak à la tête d'Al-Azhar. L'institution est considérée comme le premier lieu d'enseignement de l'islam sunnite, majoritaire dans le monde musulman, et un centre important de diffusion de fatwas (décrets religieux) destinées au monde sunnite.

L'université d'Al-Azhar, attachée à la mosquée du même nom dans le vieux Caire, a été fondée au Xe siècle et accueille des étudiants de l'ensemble du monde musulman.

Cheikh Tantaoui a pris plusieurs fois des positions modérées sur des questions religieuses sensibles, dans un pays gagné par un islam rigoriste inspiré par les Frères musulmans et le salafisme.

En octobre, il avait soulevé une vive controverse en affirmant que le niqab, le voile intégral ne laissant voir que les yeux des femmes, n'était «qu'une tradition», pas une obligation religieuse.

Il avait condamné le terrorisme, estimant que «l'extrémisme est l'ennemi de l'islam», et s'était également opposé à l'excision des fillettes, au contraire de son prédécesseur, l'ultraconservateur cheikh Gad al Haq.

En 2008, il avait été critiqué pour une poignée de main avec le président israélien Shimon Peres lors d'une conférence à New York. Il avait à l'époque affirmé ne pas savoir à qui il serrait la main.

Son autorité souffrait aux yeux de nombreux fidèles de sa proximité avec le pouvoir, et de la montée en puissance des Frères musulmans, première force d'opposition du pays.

Né en 1928 dans le village de Salim (290 km au sud du Caire) et diplômé de la Faculté de théologie en 1966, il a écrit un grand nombre de livres sur l'interprétation du Coran.

Le religieux, diabétique, souffrait de problèmes cardiaques. Il avait dû subir la pose d'un cathéter en 2006, et avait été hospitalisé en 2008 pour une thrombose à une jambe.