Saddam Hussein a été exécuté il y a plus de trois ans mais son ombre plane sur les législatives de dimanche, avec des centaines de candidats disqualifiés pour avoir appartenu à son parti, le Baas.

La question de la «débaassification», terme choisi pour rappeler la «dénazification» menée en Allemagne après la Seconde guerre mondiale, a été l'unique débat d'une campagne plutôt terne, faisant apparaître un clivage entre chiites religieux et laïcs.

Au centre de cette dispute se trouve Ali al-Lami, directeur exécutif de la «Commission responsabilité et justice» (CRJ), qui a interdit à environ 500 candidats de se présenter au scrutin et qui brigue lui-même un siège de député sous les couleurs de la coalition chiite conservatrice, l'Alliance Nationale Irakienne.

Vendredi, le chef de la CRJ, Ahmed Chalabi, qui se présente aussi sur cette liste, a remis de l'huile sur le feu en annonçant que la Commission demandait le limogeage de 497 officiers des ministères de l'Intérieur et de la Défense pour leur passé baassiste supposé.

«Les décisions que nous avons prises sont conformes à la loi. Certains sont toujours membres du Baas et d'autres espionnent pour ce parti. Ils sont tous dangereux», assure Ali al-Lami, un père de six enfants âgé de 46 ans.

Diplômé en mathématiques comme son ami Ahmed Chalabi, il reçoit dans la maison de ce dernier, un homme immensément riche, très controversé pour avoir incité les États-Unis à envahir l'Irak en 2003 avant de se retourner contre eux. Les Américains soupçonnent les deux hommes d'agir pour les intérêts de l'Iran.

Selon M. Lami, qui a passé un an dans une prison américaine pour ses liens présumés avec des extrémistes chiites, c'est la commission électorale qui lui a transmis une liste de 6500 noms de candidats afin qu'il passe leur passé au crible. Quelque 511 dossiers suspects ont été trouvés.

Un appel auprès d'une commission de sept juges était possible et 28 candidats ont été repêchés, mais la plupart des listes n'ont pas voulu prendre de risques et ont changé les candidats incriminés.

L'«éradicateur», qui est chiite, rejette totalement l'idée que son action soit dirigée contre la communauté rivale. «Seulement un tiers des exclus sont des sunnites», assure-t-il.

Dirigé par l'ancien président sunnite Saddam Hussein, le Baas comptait une majorité de militants chiites, communauté majoritaire en Irak. À l'époque, tout avancement de carrière pour les fonctionnaires nécessitait une allégeance au Baas.

M. Lami assure qu'il n'y a pas de conflit d'intérêt avec sa candidature. «Nous agissons comme le ministre de l'Intérieur et celui de l'Éducation. Ils examinent le passé des candidats et personne ne leur reproche d'être candidats», dit-il, en référence au fait que les candidats doivent avoir un casier judiciaire vierge.

Le premier ministre Nouri al-Maliki, chef du Dawa, un parti religieux chiite créé en 1957 pour lutter contre l'idéologie laïque véhiculée par les partis Baas et communiste, séduisante à l'époque pour une grande partie de la jeunesse, a appuyé cette campagne.

«Il est hors de question de se réconcilier avec ceux qui considèrent Saddam Hussein comme un martyr», a-t-il affirmé.

Mais la volonté d'épuration de la CRJ se retourne à présent contre le gouvernement qui veut, lui, maintenir dans leurs fonctions les officiers dont elle demande le limogeage.

En attendant, cette affaire repose la question de la légalité de la CRJ, qualifiée par l'ex-premier ministre Iyad Allawi de «police secrète».

La loi sur sa création a été adoptée en 2008 mais en l'absence d'accord sur sa composition, ce sont les anciens membres de la commission de débaassification qui en sont membres.