Drapeaux iraniens. Effigies des États-Unis brûlées dans la rue. Discours du président devant un million de supporteurs. À première vue, le 31e anniversaire de la révolution iranienne, célébré hier, ressemblait aux 30 qui l'avaient précédé. Mais c'était sans compter les voix discordantes, vite étouffées, qui l'ont perturbé pour la première fois depuis 1979.

Les autorités iraniennes n'avaient pourtant rien ménagé pour empêcher que des manifestants, critiques du régime en place, se faufilent dans la foule venue écouter les discours des leaders politiques et religieux du pays, faisant l'éloge de trois décennies de théocratie. 

Selon des témoins, des dizaines de milliers de Gardiens de la révolution et des milliers de miliciens bassijs, fidèles au Guide suprême de la révolution, l'ayatollah Ali Khamenei, quadrillaient le centre-ville de Téhéran dès l'aube hier matin.

L'opposition freinée

Jusque-là épargnés par les autorités, les leaders de l'opposition qui ont tenté de s'approcher des célébrations du 22 bahman (la date du calendrier iranien qui correspond à l'anniversaire de la révolution) ont tous eu droit à un accueil glacial hier matin. Candidat défait à l'élection présidentielle contestée de l'été dernier et, depuis, figure de proue du mouvement de protestation, Mir Hossein Moussavi a rapporté hier avoir été encerclé par des hommes armés de bâtons. Sa femme, Zahra Rahnevard, aurait été «battue» et «agressée» sur la place Sadeghieh, où Moussavi avait donné rendez-vous à ses supporteurs, selon le site Kaleme.org.

La voiture d'un autre leader réformiste, Mehdi Karoubi, a été frappée de plusieurs coups, selon plusieurs sites web iraniens. Même chose pour celle de l'ancien président réformiste Mohammad Khatami.

Le frère de cet ex-président, Mohammad Reza Khatami, ainsi que sa femme, Zahra Eshrapi, ont quant à eux été arrêtés et détenus brièvement en début de journée. Selon des experts, l'arrestation de Mme Eshrapi témoigne à elle seule du durcissement de ton entre les ultraconservateurs au pouvoir et l'opposition réformiste. Mme Eshrapi est la petite-fille du fondateur de la république islamique, l'ayatollah Khomeyni. «Ça montre que le régime n'a plus de lignes rouges. Même les dignitaires du système sont maintenant attaqués», estime Houchang Hassan-Yari, expert de l'Iran au Collège royal militaire du Canada.

«À bas le dictateur»

Malgré le dispositif de surveillance, des protestataires ont néanmoins réussi à faire entendre leurs doléances, hier. Pendant le discours du président Mahmoud Ahmadinejad, dont la réélection critiquée est à l'origine du mouvement de contestation, des manifestants ont crié «menteur» à plusieurs reprises ainsi que «mort au dictateur». Le tout était diffusé en direct.

Des vidéos amateurs, circulant sur le web, ont aussi montré hier des confrontations entre des manifestants et les forces de sécurité dans divers quartiers de la capitale iranienne ainsi qu'à Ispahan. Selon des témoins, qui ont parlé aux médias dans l'anonymat, les forces de l'ordre ont utilisé des gaz lacrymogènes pour disperser la foule et ont tiré des balles de peinture sur certains manifestants, afin de les arrêter. Les médias n'ayant pas l'autorisation de couvrir les manifestations de l'opposition, il est difficile de vérifier ces dires.

«Les gens à qui nous avons parlé et qui ont tenté de prendre part aux manifestations ont signalé que la présence des forces de l'ordre était écrasante. Quiconque montrait un bout de tissu vert (la couleur de l'opposition) ou un signe de protestation était extirpé de la foule», a dit hier à La Presse Hadi Ghaemi, porte-parole de la campagne internationale pour les droits de la personne en Iran. Pour le moment, on ignore s'il y a eu des morts et des blessés ainsi que le nombre d'arrestations.

Confrontation annoncée

Le bras de fer d'hier entre les autorités et l'opposition se préparait depuis de nombreuses semaines. Alors que les leaders de l'opposition appelaient leurs troupes à envahir les rues, l'ayatollah Khamenei et le chef des Gardiens de la révolution multipliaient les avertissements. À l'approche du 22 bahman, les arrestations se sont multipliées, atteignant un nombre record parmi les journalistes du pays. Deux prisonniers politiques ont été exécutés et d'autres sont actuellement dans le couloir de la mort.

Avec l'AFP, l'AP et The Guardian