Abou Louay a vendu les bijoux de sa femme pour obtenir un visa pour l'Europe, mais si la frontière égyptienne n'ouvre pas bientôt, il perdra une occasion unique de quitter l'enclave palestinienne, en état de siège et aux mains du Hamas islamiste.

«J'ai vendu l'or de ma femme pour payer 1 400 euros à une agence de voyage et obtenir un visa pour l'Allemagne», déclare ce Palestinien de 37 ans qui, comme beaucoup de ses compatriotes, cherche désespérément à fuir la bande de Gaza.

Mais le temps presse, car son visa de trois mois expire dans quelques semaines, et la frontière avec l'Égypte, unique porte de sortie pour les Gazaouis, demeure obstinément fermée.

Depuis juin 2007, la bande de Gaza est soumise à un blocus israélien qui limite très strictement les allées et venues des habitants du territoire surpeuplé.

«Notre vie est faite d'obstacles, de destruction et d'un état de siège», se lamente Abou Louay, père de quatre enfants, qui refuse de dévoiler son vrai nom de peur de mettre en péril son projet. Mais, ajoute-t-il, «je ne veux pas renoncer à l'espoir. Je vais émigrer avec ma famille et je ne reviendrai pas».

Le Hamas, au pouvoir à Gaza, voit en effet d'un mauvais oeil les candidats au départ, qu'il considère comme des traîtres à la cause palestinienne.

Pourtant, ces derniers sont de plus en plus nombreux, surtout depuis l'offensive israélienne de l'an dernier qui a tué plus de 1 400 Gazaouis et dévasté l'étroite bande côtière où s'entassent 1,5 million de personnes.

Le rêve canadien

Beaucoup s'adressent à l'organisation Homeland, la seule qui offre en toute légalité des services pour émigrer au Canada. Mais les conditions imposées par les autorités d'Ottawa ne permettent qu'à un nombre infime de candidats d'obtenir leur visa et la procédure prend des années.

«Plus de 90% des gens qui viennent nous voir ne répondent pas aux critères du gouvernement canadien», explique le directeur de Homeland, Malik al-Shawa. Ceux qui veulent s'établir au Canada doivent en effet parler une des langues officielles (anglais ou français), être titulaires de diplômes universitaires et exercer un métier recherché dans ce pays.

Dans ces conditions, la majorité des candidats au départ se tournent vers les agences de voyage locales, auprès desquelles ils espèrent obtenir un visa «étudiant» pour un pays européen, où ils s'installeront comme clandestins, ou par lequel ils transiteront avant de s'établir dans un pays tiers.

Le propriétaire d'une de ces agences, qui souhaite rester anonyme de crainte de voir son établissement fermé par le Hamas, assure offrir ses services à ceux qui veulent sincèrement étudier à l'étranger, mais il admet que certains «exploitent» le filon pour émigrer.

Il encaisse 1 000 euros pour chaque demande de visa, la moitié couvrant les frais universitaires et les démarches consulaires pour le visa, le reste allant dans sa poche.

Toutefois, il y a des arnaques. Zahdi, 23 ans, a payé 1 000 euros à un «passeur» qui devait lui fournir un visa pour l'Europe. Mais ce dernier a filé, finançant son propre départ, et se trouve aujourd'hui en Égypte.

«Nous ne sommes pas seuls à nous être fait avoir», peste le jeune homme.

Il espère obtenir un dossier médical stipulant qu'il est malade du foie et doit se faire soigner en Égypte. Là, il espère obtenir un visa pour l'Europe. «Un ami est parti comme ça. Je vais faire la même chose».

D'autres ont recours à des faussaires. Chauffeur de taxi, Mouamar a payé 850 euros pour un visa étudiant australien, finalement refusé car il ne disposait pas des diplômes requis.

Il envisage à présent de falsifier son diplôme et vise l'Europe. «Je ne suis pas fier de ce que je fais, mais j'ai peur et j'en ai assez. Un de mes enfants peut être tué dans un raid aérien ou dans une autre guerre. Je ne peux plus le supporter», avoue-t-il.