«Je ne pouvais croire qu'ils brutalisaient ainsi ma vieille mère.» L'Irakien Raad Al-Maliki accuse les forces britanniques d'avoir torturé et exécuté sa mère de 62 ans, Sabiha Khudur Talib, en novembre 2006.

Le gouvernement britannique croit qu'elle a plutôt été victime de tirs croisés lorsque sa maison a été attaquée par des troupes dans la province de Bassora, dans le sud de l'Irak.

La police militaire royale fera sa propre enquête sur les accusations, parmi les plus graves à avoir jamais visé des soldats britanniques.

Ce sont des policiers irakiens qui ont trouvé le cadavre de Sabiha Khudur Talib sur le bord d'une route. Il était dans un sac mortuaire aux couleurs de l'armée britannique.

L'enquête policière a relevé des traces de torture sur le corps de la grand-mère. «Elle avait les pieds nus et des marques de menottes aux poignets... J'ai aussi noté une blessure par balle à l'abdomen», a affirmé le lieutenant Haidar Yashaa Salman dans sa déposition.

Une photo parue dans le journal The Independent montre le visage boursouflé de la défunte.

Le quotidien a publié lundi le témoignage troublant de Raad Al-Maliki, 26 ans, fils de Sabiha Khudur Talib. Il explique comment leur maison a été la cible d'un raid dans la nuit du 15 novembre 2006.

«J'ai vu quatre ou cinq soldats escorter ma mère brutalement vers un véhicule militaire, dit-il dans son témoignage. J'étais très inquiet... Puis j'ai vu un soldat la frapper dans le dos avec la crosse d'une mitraillette.» C'est la dernière fois qu'il l'a vue vivante.

Selon le ministère de la Défense, la sexagénaire a été blessée lors du raid et a succombé à ses blessures plus tard à l'hôpital.

Commission d'enquête

Cette affaire éclate au moment où l'invasion irakienne revient sur la scène médiatique. Une commission d'enquête publique examine en ce moment les raisons de la participation britannique à cette guerre pour en «tirer des leçons». L'ancien premier ministre Tony Blair comparaîtra dans les prochaines semaines.

Ce n'est pas la première fois que des soldats britanniques sont accusés de torture et d'assassinat en Irak. L'histoire la plus médiatisée fut celle de Baha Mousa, réceptionniste dans un hôtel âgé de 26 ans, battu à mort en septembre 2003. Le soldat Donald Payne, reconnu coupable de ce meurtre en 2007, est devenu le premier criminel de guerre en Grande-Bretagne.

La famille de Sabiha Khudur Talib exige de son côté une enquête indépendante. Son avocat, Phil Shiner, de la firme Public Interest Lawyers, représente une cinquantaine d'autres familles irakiennes endeuillées. Il accuse l'armée de mauvaise foi. «Jusqu'ici, ses enquêtes n'ont jamais mené nulle part», a-t-il dit à La Presse.