«Nous sommes tolérés, mais pas populaires ici». L'évêque Paul Hinder, plus haut responsable de l'Église catholique dans la péninsule arabique, est à la tête d'une communauté de deux millions de chrétiens mais il sait qu'il doit rester discret dans cette terre d'islam.

Basé à Abou Dhabi, le prélat d'origine suisse a la charge de cinq autres pays dont l'Arabie saoudite, où l'islam est la seule religion autorisée, les manifestations d'appartenance à une autre foi étant interdites. La plupart de ses ouailles dans la région doivent prier en secret et n'ont pas le droit d'arborer des symboles religieux.

«Les gens ici savent qui je suis, même si je ne porte jamais de croix quand je sors», a expliqué à l'Associated Press le vicaire apostolique d'Arabie. En public, il porte l'habit des capucins, une robe blanche à capuche qui ne se démarque pas trop des vêtements des musulmans de la région. Mais il n'arbore pas de croix autour du cou, ni la ceinture à trois noeuds caractéristique de son ordre.

Mgr Hinder évoque une évolution lente des mentalités dans la région. Les Émirats arabes unis, le Koweït, le Qatar, Bahreïn et le sultanat d'Oman sont allés plus loin que les autres pays de la péninsule dans l'acceptation du christianisme, autorisant la construction d'églises, même si aucun signe extérieur ne les signale comme lieux de culte.

Jeudi soir, l'évêque a célébré une messe de minuit pour plusieurs milliers de fidèles en la cathédrale Saint-Joseph à Abou Dhabi, située dans une enclave chrétienne où se trouvent aussi des églises d'autres confessions. Les crucifix, chapelets et icônes sont autorisés à l'intérieur de l'enclave mais les bâtiments ne présentent aucun des signes distinctifs d'une église.

La grande majorité des chrétiens de la région sont des migrants, dont beaucoup travaillent comme employés de maison, fonctionnaires ou occupent des postes dans des banques et des entreprises. Le Yémen est le seul pays de la péninsule à compter des chrétiens autochtones, qui vivent quasiment tous dans la ville portuaire d'Aden.

La première église catholique dans la région a été ouverte à Manama, capitale du Bahreïn, en 1939. On en compte aujourd'hui sept dans les EAU, quatre à Oman, trois au Koweït et une au Qatar, où cinq églises d'autres confessions sont en construction.

Mgr Hinter prend garde d'éviter tout ce qui pourrait être interprété comme du prosélytisme.

Les difficultés de ses fidèles ne se cantonnent pas au domaine religieux. «Leurs luttes sont énormes», dit-il. «Ils sont souvent exploités et parfois traités comme des êtres humains de second rang».

La plus grande communauté chrétienne de la région -1,4 million de personnes- vit en Arabie saoudite, où se trouvent les lieux saints les plus importants de l'islam (la Mecque et Médine). Mgr Hinder se rend dans ce pays plusieurs fois par an, mais seulement à titre privé et non en tant qu'évêque. Les bibles, crucifix et tous les symboles religieux non musulmans sont confisqués à la frontière. Les discrets services religieux qui sont malgré tout célébrés ne peuvent être conduits par des prêtres, si bien que les catholiques ne peuvent assister à une messe ou confesser leurs péchés.

Mgr Hinter estime toutefois que les choses se sont améliorées depuis la visite du roi Abdallah d'Arabie saoudite en 2007 au Vatican, où il a rencontré le pape Benoît XVI. Les séances de prière sont autorisées, en petits groupes, chez des particuliers, sous la conduite d'un «chef de communauté» qui n'a pas été ordonné. «Le climat change, ce qui ne veut pas dire qu'il y aura demain des églises en Arabie saoudite».