Hamid Karzaï a présenté samedi au parlement afghan la liste des membres du futur gouvernement, où se côtoient, dans un délicat équilibre, des hommes ayant toute la confiance des Américains et des fidèles de ces seigneurs de la guerre dont le soutien est crucial pour le président afghan.

Accueillie avec un optimisme prudent par la mission des Nations unies, la composition de la nouvelle équipe, marquée par l'absence de grands changements, a semé la consternation chez beaucoup de parlementaires.

Il s'agit «de ministres qui étaient des experts et ont fait du bon travail», a assuré le premier vice-président Mohammad Fahim devant le Parlement.

Hamid Karzaï a choisi de garder Ismaïl Khan, ministre de l'Eau et de l'Énergie, seigneur de la guerre notoire tout-puissant dans la province de Hérat, accusé de crimes de guerre par l'organisation de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch. Douze autres ministres devraient eux aussi conserver leur portefeuille, dont ceux de la Défense, de l'Intérieur et des Finances.

En revanche, deux ministres montrés du doigt pour corruption ne devraient pas retrouver leur place. Il s'agit de Muhammad Ibrahim Adel (Mines), récemment accusé par deux responsables américains d'avoir reçu 20 millions de dollars de pot de vin pour détourner un projet minier vers une compagnie chinoise. Il a assuré que l'accord avait été approuvé par le gouvernement et que Hamid Karzaï était au courant. L'autre est Sediq Chakari (Mosquées et Pèlerinage à La Mecque), dont le ministère a lui aussi fait récemment l'objet d'allégations de dessous de table.

La liste ne comprend pas de ministre des Affaires étrangères, Hamid Karzaï ayant annoncé qu'il désignerait le chef de la diplomatie après la conférence internationale sur l'Afghanistan qui doit se tenir à Londres, fin janvier.

Comme le précédent gouvernement, la liste de Karzaï réunit des Afghans bardés de diplômes obtenus à l'étranger et d'anciens moudjahidine. Le président réélu a maintenu les favoris des Américains à plusieurs postes clé pour la guerre et la reconstruction du pays, mais il doit aussi ménager ses alliés politiques intérieurs, comme les seigneurs de la guerre qui lui ont permis de rester au pouvoir.

Des députés redoutent ainsi que certains nouveaux venus ne soient à la solde de ces potentats locaux. «Ma crainte et celle de nombreux parlementaires, c'est qu'ils ne soient peut-être les marionnettes de ces seigneurs de la guerre et de ce fait que, même s'ils sont considérés comme des personnes plus civilisées et plus cultivées, ils ne puissent appliquer leurs propres idées et initiatives», a résumé Khaled Pashtun, un député de Kandahar.

«Je crois que si ce gouvernement obtient le vote de confiance, il ne sera pas en mesure de soigner les blessures du peuple afghan», a renchéri Gul Pacha Mujedi, député de la province de Paktya. «Une autre question très importante, c'est la participation des femmes: il n'y qu'un poste et ça n'est pas suffisant pour les femmes afghanes».

Hamid Karzaï «a écouté la communauté internationale et divers partis politiques, mais c'est le président qui a pris la décision finale», a assuré le porte-parole de la présidence Washeed Omar devant la presse. Il a ajouté qu'Hamid Karzaï était convaincu que les futurs ministres engageraient les réformes nécessaires pour éradiquer la corruption au sein de l'administration afghane.

Si Washington ou Londres n'avaient pas encore réagi à l'annonce du gouvernement, l'ambassadeur du Canada William Crosbie s'est félicité que la liste comprenne «des individus compétents, dont certains avec qui nous avons déjà travaillé dans le passé».

«Les premières indications sont encourageantes pour certains des ministères clés», ajoutait Aleem Siddique, un responsable onusien en Afghanistan, observant que nombre de nominations pourraient encore changer lors du débat au Parlement. «Les Nations unies ont clairement dit que nous devions voir plus de ministères orientés vers les réformes, et parmi les noms que nous avons vus, nous voyons un pas dans la bonne direction».