Le président pakistanais Asif Ali Zardari a remis samedi à son premier ministre la responsabilité du contrôle opérationnel de l'arme nucléaire, une initiative destinée à renforcer les pouvoirs du Parlement, a annoncé la présidence.

L'initiative présidentielle fait partie d'une série de 28 ordonnances republiées par le président Zardari et accompagnées de quelques amendements, après que la Cour suprême eut invalidé les décisions de son prédécesseur Pervez Musharraf, prises dans le cadre de l'état d'urgence.

Elle intervient alors que M. Zardari, très critiqué dans son pays, est fragilisé par de nombreuses critiques et par l'expiration, ce même samedi, d'une amnistie sur des cas de corruption présumée qui le protégeait.

La fin de l'amnistie, accordée en octobre 2007 par M. Musharraf mais invalidée l'été dernier par la Cour suprême, fait craindre une nouvelle crise politique au Pakistan, déjà en proie à des violences et attentats quotidiens.

L'annonce du transfert de la direction de l'Autorité nationale du commandement (NCA), responsable des armes nucléaires, de la présidence au remier ministre Yousuf Raza Gilani, a été faite par un porte-parole de la présidence, Farhatullah Babar. Ce transfert a été confirmé par M. Gilani.

«Après l'amendement à l'ordonnance sur l'Autorité nationale de commandement, tous (ses) pouvoirs et fonctions résideront dans l'Autorité nationale de commandement, au nom de laquelle ces pouvoirs et fonctions seront exercés par le premier ministre», a déclaré M. Babar.

M. Babar n'a pas explicitement mentionné les armes nucléaires, mais experts et analystes ont confirmé que la NCA englobait l'arsenal atomique du Pakistan. «Cette ordonnance concerne les armes nucléaires et les ressources stratégiques», a confirmé à l'AFP Akram Sheikh, un juriste de renom.

Le Pakistan a conduit six essais nucléaires en mai 1998, en riposte aux essais de l'Inde le même mois. Islamabad a toutefois annoncé un moratoire unilatéral sur de nouveaux tests si l'Inde ne procédait pas à de nouveaux essais.

«Le transfert de la présidence du NCA au premier ministre est un pas de géant vers le renforcement du Parlement élu et du premier ministre», a ajouté le porte-parole.

M. Zardari est en position très délicate en raison de son impopularité, jusqu'au sein de son propre parti, et de ses relations tendues avec la très puissante armée. Et selon plusieurs analystes, il ne pourra se maintenir au pouvoir qu'en donnant certains gages comme l'application de certaines de ses promesses électorales visant à renforcer des pouvoirs du parlement.

«Le président veut donner l'impression qu'il renforce son premier ministre», mais «ce transfert est fondamentalement cosmétique», a relativisé M. Sheikh.

Connue sous le nom d'«ordonnance de réconciliation nationale» (NRO), l'amnistie qui expirait samedi avait pour but de permettre d'écarter des accusations de corruption visant l'ancienne premier ministre Benazir Bhutto, assassinée deux mois plus tard, son mari Asif Ali Zardari et d'autres hommes politiques de premier plan dans un geste de réconciliation vis-à-vis de l'opposition de l'époque.

Le président pakistanais a tenté en vain de la faire prolonger mais a dû rendre les armes face à l'opposition du Parlement, mais aussi des médias.

L'analyste Talat Masood a prévenu de son côté que d'éventuels contentieux juridico-politiques risquaient de détourner l'attention du gouvernement de sa lutte contre l'insurrection menée par les talibans alliés à Al Qaïda, dont les attentats ont tué plus de 2500 personnes depuis près de deux ans et demi.