Le 25 octobre à 10H20, Moussa Saalous s'est rendu à pied à la banque mitoyenne du ministère irakien de la Justice pour livrer du courrier. En revenant, le souffle d'une énorme déflagration l'a fait trébucher. Il venait d'échapper à la mort.

«L'explosion s'est produite alors que je passais devant le pont des Martyrs. À cinq minutes près, je disparaissais. Je remercie Dieu de m'avoir gardé en vie», confie ce facteur qui arpente depuis 27 ans les rues de Bagdad.

À 10H30, un camion et un minibus bourrés d'explosifs ravageaient ce ministère et le gouvernorat de Bagdad, faisant 153 morts. Lorsqu'il a réapparu, ses collègues ont cru qu'il s'agissait de son fantôme.

«Ils m'ont prié de rentrer chez moi, mais le lendemain, j'étais à mon poste. En Irak, nous sommes habitués à ce genre de situation et ce n'est pas une raison pour cesser notre travail. Je remercie encore Dieu de m'avoir préservé», explique ce célibataire de 56 ans.

Dans un bureau de poste de Salhiya, au centre de Bagdad, un des six préposés a lui aussi manqué d'être emporté vers l'au-delà le 19 août.

«Je venais de déposer des lettres recommandées au ministère des Affaires étrangères quand c'est arrivé», raconte Abdel Hussein Toama, 56 ans, dont 30 à la poste. «Je me souviens seulement que je courais sur le pont de la République et quand je me suis arrêté les gens me regardaient horrifiés. J'étais blessé aux jambes et aux bras».

Deux camions venaient d'exploser devant les ministères des Affaires étrangères et des Finances, faisant 95 tués et des centaines de blessées.

«Je suis revenu travailler le lendemain. Que peut-on y faire? C'est la routine. J'ai échappé à beaucoup d'attentats pendant mes tournées mais le dernier était épouvantable. C'est Dieu qui décide quand je dois mourir et j'ai survécu car il le voulait ainsi», ajoute-t-il, philosophe.

Entre 2002 et 2008, la quantité de missives et de colis distribuée par la poste est tombée de 10 à 5 millions et le chiffre d'affaires s'est réduit de 3 à 2 milliards de dinars (1,7 million de dollars), a indiqué à l'AFP Hanna Ali, directrice de la planification de l'Administration des Postes. Dans le même temps, dans le cadre de la politique de lutte contre le Chômage des autorités, le nombre de postiers est passé de 1.600 à 2.864, dont 330 facteurs contre 150 il y a sept ans,

Depuis l'invasion de 2003, trois préposés sont morts au cours d'explosions et trois autres ont été assassinés pour des raisons confessionnelles.

Abdel Razak Talib, le chef d'équipe des facteurs de Salhiyah, est souvent passé entre les balles, notamment rue Haïfa, l'artère la plus dangereuse de la capitale il y a trois ans. Mais il craint surtout les attentats.

«En 2006, quand j'allais en mobylette avec mon collègue Rachid remettre le courrier et les factures de téléphone, les miliciens nous conseillaient de rebrousser chemin ou de nous cacher avant le début des combats», explique ce facteur de 43 ans.

«Ils nous connaissaient et pour eux, nous n'étions pas partie prenante du conflit», déclare-t-il.

«Non, le plus effrayant, ce sont les explosions. J'ai éprouvé la peur de ma vie lors de l'attentat contre un restaurant de la rue al-Chawaf: j'ai traversé la rue et le kamikaze s'est fait exploser à peine quelques secondes plus tard», se rappelle-t-il.

Le 19 juin 2005, 23 personnes avaient été tuées, dont six policiers, par un homme qui avait fait détonner sa ceinture d'explosifs dans ce restaurant situé près de la «zone verte», secteur ultraprotégé de Bagdad.

«C'est un miracle qu'il y ait eu tant d'explosions et si peu de victimes dans notre profession. Dieu doit considérer que nous accomplissons une mission humanitaire», conclut-il dans un sourire.