L'Irak organisera en janvier ses premières élections législatives depuis le carnage confessionnel qui a ensanglanté le pays durant trois ans, et en principe les dernières à l'ombre de l'armée américaine qui a renversé l'ancien dictateur Saddam Hussein en 2003.

Les députés ont accouché dimanche au forceps d'une loi électorale qui permet la tenue du scrutin dans une atmosphère radicalement différente de celui de décembre 2005. La violence a nettement diminué avec la mise au pas des milices chiites et le reflux d'Al-Qaeda dans les régions sunnites. Le nombre quotidien de morts qui était de 16 en 2005 et 63 en 2006 est retombé à environ 10 aujourd'hui.

Mais le réel changement est le clivage politique apparu au sein des trois principales communautés, qui présentaient chacune un front uni il y a quatre ans.

«Lors des prochaines élections, le facteur confessionnel sera très faible et dans la prochaine chambre, le conflit opposera les laïcs aux religieux plutôt que les sunnites aux chiites», a affirmé à l'AFP l'expert politique Ibrahim al-Soumaidaï.

Deux grandes coalitions se disputent les voix des chiites: l'Alliance Nationale Irakienne (ANI) et la Liste de l'État de droit du premier ministre Nouri al-Maliki.

Chez les sunnites, qui avaient boycotté le scrutin précédent, deux grands courants sont également en lice: le Front de la Concorde irakienne dont le Parti islamique est la principale composante et l'Alliance de l'Unité nationale d'un patron de presse Nehru Abdel Karim.

Dans les provinces kurdes, le jeu sera plus ouvert car l'union des deux partis traditionnels de Massoud Barzani et Jalal Talabani devra composer avec une liste islamique et, surtout, avec les dissidents de Goran (Changement), qui a réalisé un score honorable lors des provinciales kurdes.

Cette nouvelle donne, résultat de la meurtière guerre confessionnelle entre sunnites et chiites, offre une chance à deux blocs laïcs: celui conduit par deux anciens baassistes Saleh al-Moutlaq et l'ex-premier ministre Iyad Allaoui et l'autre qui réunit l'actuel ministre de l'Intérieur Jawad al-Bolani et le chef tribal sunnite Ahmad Abou Richa.

Ce scrutin devrait être le dernier en présence de soldats américains. Les États-Unis, qui ont actuellement 117.000 militaires en Irak, doivent se désengager totalement du pays fin 2011.

Le vote de la loi électorale, pour lequel l'ambassadeur américain Christopher Hill a pesé de tout son poids, enlève une épine du pied de Washington qui entend retirer ses troupes de combat en août 2010 pour en envoyer éventuellement une partie en Afghanistan, devenu sa priorité.

«Ce qui est significatif sur la date de janvier c'est que les plans de réduction des troupes peuvent se réaliser selon le calendrier» prévu, a expliqué M. Hill.

Mais, il a fallu beaucoup de patience et des trésors d'imagination pour trouver un compromis sur la question la plus épineuse qui bloquait tout consensus: la réprésentation electorale de la riche province pétrolière de Kirkouk, disputée par les Arabes, les Turcomans et les Kurdes.

Arabes et Turcomans affirment que les Kurdes sont venus en masse depuis 2003 pour modifier le rapport démographique. Les Kurdes assurent qu'ils n'ont fait que revenir après en avoir été chassés par Saddam Hussein, et souhaitent que les listes électorales correspondent à la démographie actuelle.

Selon le texte de la loi, «la province de Kirkouk et dans celles où il y a des contestations sur les registres électoraux» --en raison d'un fort accroissement de la population depuis 2003--, les résultats ne seront pas définitifs.