Le président Hamid Karzaï a promis mardi que son futur gouvernement multiplierait les efforts pour éradiquer la corruption et a tendu une nouvelle fois la main aux talibans, lors de sa première déclaration depuis l'annonce de sa réélection à la tête de l'Afghanistan.

Le chef de l'État, dont la légitimité est plus que jamais fragilisée après une élection calamiteuse - des fraudes massives en sa faveur au premier tour marqué par une très forte abstention, au forfait de son adversaire Abdullah Abdullah avant le second - a présenté les grands traits de son programme de gouvernement.

«Nous allons tenter d'amener la paix à l'ensemble du pays, dès que possible. Nous en appelons à nos frères talibans pour qu'ils reviennent en Afghanistan et à cet égard, nous demandons l'aide et la coopération de la communauté internationale», a affirmé devant la presse Hamid Karzaï, qui portait son habituel caftan vert et violet et sa toque d'astrakan.

Les talibans ont aussitôt repoussé la main tendue par Karzaï, qualifié de «marionnette» de l'Occident.

«Nous n'accordons aucune valeur à l'offre de paix de Karzaï car nous savons que ce sont des mots vides de sens», a déclaré Yousuf Ahmadi, un porte-parole habituels des talibans, dans un entretien téléphonique avec l'AFP.

«Ce n'est pas la première fois que Karzaï fait de telles déclarations (...). C'est une marionnette», a ajouté M. Ahmadi.

Le chef de l'État a aussi relancé l'idée d'un gouvernement d'union nationale.

La paix sera possible «quand tous les Afghans seront unis et parleront d'une seule voix, travaillant à construire ensemble un gouvernement d'union qui représente tous les Afghans», a-t-il dit, entouré de ses deux vice-présidents, le maréchal Mohammad Qasim Fahim, ancien chef de guerre au passé controversé, et Karim Khalili.

Une demande relayée mardi à Londres par le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-Moon.

«J'ai spécifiquement demandé au président Karzaï de travailler avec tous les dirigeants politiques qui ont été candidats à l'élection présidentielle, y compris Abdullah Abdullah», a indiqué M. Ban.

Reste à savoir quelle sera la réaction de M. Abdullah, qui a acquis, grâce à une campagne dynamique - «bien meilleure que la mienne» a reconnu M. Karzaï - le statut d'opposant numéro un et pourrait avoir un important rôle politique à jouer.

L'ancien ministre des Affaires étrangères avait annoncé dimanche son retrait, faute d'avoir obtenu des garanties que le second tour ne verrait pas se reproduire les fraudes massives qui avaient entaché le premier, au point d'entraîner l'annulation d'un quart des bulletins de vote, très majoritairement favorables à M. Karzaï.

Soumis à de fortes pressions de la communauté internationale, le président afghan a promis de lutter contre la corruption, endémique jusqu'au sommet de l'État.

«L'Afghanistan a été sali par la corruption, notre gouvernement a été sali par la corruption. Nous emploierons tous les moyens nécessaires pour éradiquer cette souillure», a déclaré M. Karzaï.

Le gouvernement afghan est régulièrement fustigé pour la corruption qui le gangrène. Le président américain Barack Obama a d'ailleurs demandé mardi «beaucoup plus» à M. Karzaï dans la lutte contre la corruption, tout comme le premier ministre britannique Gordon Brown, qui a appelé à engager une action «immédiate».

En dépit des conditions déplorables de sa réélection, le président, installé à la tête du pays il y a huit ans par la communauté internationale dont les troupes venaient de chasser les talibans du pouvoir, a reçu les félicitations de ses soutiens occidentaux, pour lesquels il demeure un interlocuteur indispensable, «le dirigeant légitime» du pays, selon la Maison-Blanche.