Après une brillante campagne qui a consacré son statut de principal opposant et contraint le président sortant Hamid Karzaï à disputer un second tour, Abdullah Abdullah a laissé son adversaire être réélu lundi, renonçant à concourir sans garanties sur la sincérité du scrutin.

Le 20 août, le premier tour avait été marqué par des fraudes massives en faveur d'Hamid Karzaï, qui ont conduit à l'annulation de près d'un quart des bulletins, et Abdullah Abdullah avait menacé de ne pas participer au second tour si ses demandes n'étaient pas satisfaites.

Abdullah demandait notamment le remplacement entre les deux tours du chef de la Commission électorale, proche du chef de l'État, et la fermeture des bureaux de vote fantômes qui n'avaient pas ouvert le 20 août mais avaient expédié de pleines urnes de votes fictifs.

Ses demandes ayant été rejetées, «le second tour serait encore pire que le premier», avait estimé M. Abdullah pour justifier son retrait.

Appelé par la communauté internationale à conclure un accord avec Karzaï en vue de la formation d'un «gouvernement d'unité nationale», Abdullah Abdullah avait cependant exclu toute participation personnelle au gouvernement en cas de victoire de son adversaire.

«J'ai quitté le gouvernement de M. Karzaï il y a environ 3 ans et demi et depuis lors je n'ai pas été tenté d'en faire à nouveau partie (...) de prendre part à la même situation qui se détériore», avait-il répondu.

Trois ans après avoir été renvoyé du ministère des Affaires étrangères, Abdullah Abdullah avait fait le 20 août un retour politique saisissant, en se classant deuxième avec 30,59% des voix derrière son ancien patron, Hamid Karzaï (49,67%), au premier tour.

Cet ancien ophtalmologue à la voix douce avait mené une campagne électorale dynamique, sillonnant infatigablement le pays, rassemblant d'énormes foules enthousiastes vêtues de casquettes et tee-shirts bleus, au point que le phénomène a été appelé «vague bleue» par les médias.

Né en 1960, marié et père de trois filles et un fils, il a construit sa réputation pendant les trois décennies de guerres afghanes comme porte-parole du «héros national» Ahmad Shah Massoud, célèbre résistant à l'occupation soviétique et au régime taliban, assassiné le 9 septembre 2001.

La mère de M. Abdullah est issue de la minorité tadjike, et il est associé aux Tadjiks du bastion de Massoud, la vallée du Panshir, au nord de Kaboul.

Mais son père était un Pachtoune, première ethnie d'Afghanistan, qui dispose des postes les plus influents.

Il dénonce souvent la «déconnexion» entre le gouvernement Karzaï et la population, qui subit la corruption et la violence des rebelles. Ces derniers n'en n'ont pas moins gagné plus de soutiens, souligne-t-il.

Il critique également l'état, selon lui atterrant, d'un pays qui disposait d'énormes opportunités après la chute des talibans, lorsque les millions de dollars d'aide internationale commençaient à y affluer.

«La sécurité se détériore, la situation politique est chaotique, les problèmes des gens (...) ne sont pas traités comme ils devraient l'être», déclarait-il récemment à l'AFP.

«Mon principal projet est d'améliorer la situation, de créer un espoir parmi la population», ajoutait-il.

Il propose par exemple de modifier la Constitution pour se débarrasser du système centralisé, et de nommer un premier ministre et des dirigeants au niveau des provinces, qui représenteraient mieux la population, la poussant ainsi à s'impliquer plus.

À l'exception de ces mesures, il sera tout au long de la campagne resté avare en propositions concrètes pour sortir le pays de l'ornière.