La secrétaire d'État américaine Hillary Clinton a durci le ton jeudi à l'égard du gouvernement pakistanais, notamment sur son attitude face à Al-Qaeda, au deuxième jour d'une visite initialement dédiée à améliorer la relation entre les deux pays.

Lors d'une rencontre avec des éditorialistes à Lahore, Mme Clinton s'est étonnée que les dirigeants d'Al-Qaeda, que l'on dit en partie établis dans les zones tribales du nord-ouest pakistanais, n'aient pas encore été arrêtés, alors que le Pakistan est l'allié des États-Unis dans leur guerre contre le terrorisme depuis 2001.

«Al-Qaeda a trouvé abri au Pakistan depuis 2002. Je trouve difficile à croire que personne dans votre gouvernement ne sache où ils sont, ni ne puisse les arrêter s'il le voulait vraiment», a-t-elle déclaré.

«Le monde a intérêt à ce que l'on capture et tue les gens qui sont les cerveaux de cette entreprise terroriste. Pour autant que l'on sache, ils sont au Pakistan», a-t-elle ajouté plus tard.

«Dans une vraie relation, on doit pouvoir se dire aussi ce genre de choses», a déclaré un responsable américain, interrogé à bord de l'avion qui ramenait la secrétaire d'État de Lahore à Islamabad.

Plusieurs rencontres avec la population avaient été prévues au cours de la visite de Mme Clinton à Lahore, deuxième ville du pays. Elle s'y est notamment vu reprocher le «manque de confiance» qu'inspirent les États-Unis au Pakistan, déstabilisé par la vague d'attentat menés depuis deux ans par les talibans alliés à Al Qaïda, qui accusent Islamabad d'être à la solde de Washington.

Mercredi, l'arrivée de Mme Clinton au Pakistan avait d'ailleurs été éclipsée par un sanglant attentat qui a fait au moins 105 morts à Peshawar.

«Pourquoi les États-Unis forcent le Pakistan à faire la guerre à la frontière avec l'Afghanistan?», lui a ainsi demandé une étudiante lors d'une forum. «Que se passerait-il si nous avions des terroristes au Canada, réclamant une portion au nord des États-Unis? Notre gouvernement ferait exactement ce que fait votre gouvernement, et nous l'admirons pour ce qu'il fait», lui a rétorqué Mme Clinton.

Cette dernière n'a également pas mâché ses mots à propos de la politique économique pakistanaise.

«Au risque de paraître peu diplomatique, le Pakistan doit investir dans ses services publics et dans sa politique économique», a-t-elle lancé lors d'une rencontre avec des chefs d'entreprise.

Les États-Unis viennent de tripler leur aide américaine au Pakistan en la portant à 7,5 milliards de dollars sur cinq ans. Mais l'opposition et la plupart des médias pakistanais y voient un moyen pour Washington de dicter sa loi à Islamabad.

Plusieurs patrons pakistanais qui participaient à la table ronde ont jugé pour leur part ce montant d'aide insuffisant.

«Il est difficile», a asséné Mme Clinton, «d'aller voir nos contribuables et de leur dire que nous considérons le Pakistan comme un partenaire stratégique qu'il faut aider (...), puis d'entendre nos contribuables et nos parlementaires nous dire: "Nous voulons aider ceux qui s'aident eux-mêmes. Nous taxons tout, et le Pakistan ne le fait pas"».

«Vous avez 180 millions d'habitants, vos projections de population sont de 300 millions. Je ne sais pas comment vous allez relever ce défi, à moins que vous ne commenciez à planifier maintenant. Et malgré vos merveilleux atouts, le Pakistan est 142e au classement (de l'ONU) du développement humain», a-t-elle ajouté dans un silence de plomb.

Après un plan de 125 millions de dollars pour améliorer l'approvisionnement en électricité et une aide de 85 millions de dollars à un fonds public de lutte contre la pauvreté, Mme Clinton a annoncé jeudi une nouvelle salve d'aides, dont 45 millions de dollars pour l'éducation supérieure et 103,5 millions pour aider la police engagée à la frontière entre l'Afghanistan et le Pakistan.