Un Américain qui logeait à la maison d'hôtes attaquée mercredi à l'aube par les talibans à Kaboul, où six employés expatriés de l'ONU ont été tués, raconte la panique, les morts et les flammes durant le siège, qui a duré plus de deux heures.

Trois kamikazes équipés d'armes automatiques et de ceintures d'explosifs, vêtus d'uniformes de la police selon les autorités afghanes, ont semé l'horreur peu avant l'aube dans un quartier central de la capitale afghane. John Christopher Turner, 62 ans, qui dit travailler pour une société de transport afghane sous contrat avec le département américain de la Défense pour ravitailler l'armée américaine, logeait dans la maison d'hôtes. Lui parle d'un «uniforme militaire vert» porté par le seul assaillant qu'il a aperçu, «un homme de 20 à 30 ans».

«Ils sont entrés par la porte principale. J'ai entendu des tirs d'armes légères» suivis d'explosions.

«Je crois que leur intention était d'entrer et de prendre des otages. Vous savez, il y avait une trentaine d'employés de l'ONU et ils étaient tous là pour les élections. On dirait qu'ils ont été visés pour ça», estime M. Turner.

Le temps qu'il attrape sa kalachnikov et descende les escaliers, les flammes rongeaient déjà le rez-de-chaussée.

À ce moment-là, «un des kamikazes a tué une femme alors qu'elle essayait d'échapper aux flammes, il s'est fait exploser», explique cet employé contractuel.

Deux autres femmes ont succombé dans l'épaisse fumée qui a envahi le bâtiment après l'explosion, poursuit-il. «La fumée était étouffante. (...) Elles étaient dans leurs chambres, paniquées».

M. Turner était au téléphone avec elles. «Elles criaient, hurlaient «Je meurs» ou «Que devons-nous faire?», conte ce natif de l'État américain du Kansas. «J'en ai réchappé tout juste moi-même».

«On était environ 25 à sortir par la porte de derrière. (...) On s'est abrités à l'arrière du bâtiment, dans la salle de bains» qui donne sur le jardin, raconte l'homme à la solide stature et la barbe blanche.

«J'ai répliqué sur rien en particulier mais juste pour leur faire comprendre». «On a tiré sans arrêt, moi et un garde népalais».

«Un de nos gardes était sur le toit», se souvient-il, «je ne sais pas s'il a survécu».

Le siège durera deux heures, durant lesquelles coups de feu et explosions se succéderont.

«Je suis resté à l'arrière» avec les autres clients de la maison d'hôtes, «essentiellement des femmes, et personne n'était armé». L'arme pointée sur la porte de derrière, par où tout le monde avait fui, «je me disais «Ils vont arriver par là», mais heureusement rien ne s'est passé».

Il entendra encore «plusieurs grosses explosions». «J'ai combattu ici pendant l'occupation soviétique (de 1979 à 1989, ndlr), j'ai utilisé beaucoup de RPG. Ca me semblait être leur bruit mais on m'a dit que c'étaient des grenades».

Durant toute l'interminable attente, «l'échange de tirs était intense», à tel point que John Christopher Turner se demande s'il n'y avait pas «plus de trois ou quatre hommes en train de se battre» contre les forces afghanes.

Lorsque l'affrontement se calme enfin, tout le monde est sorti par le fond du jardin et s'est abrité dans un bâtiment de l'autre côté de la rue.

Lorsqu'on l'interroge sur ce qui les a sauvés, lui et les autres survivants, il répond: «La chance, simplement».