La tenue d'un deuxième tour du scrutin présidentiel ne permettra pas de rétablir la crédibilité des élections afghanes, estime un responsable de Democracy International.

«Je n'ai pas vu de signes indiquant qu'une nouvelle élection serait plus crédible que la première», affirme Bill Gallery, qui a passé six semaines en Afghanistan à titre d'observateur électoral pour cette ONG américaine.

 

Democracy International, qui a toujours une équipe à Kaboul, juge pourtant que ce second tour devra avoir lieu, étant donné que l'enquête sur la fraude, dont les résultats ont été rendus publics hier, refoule le président Hamid Karzaï sous la barre de la majorité des voix.

Selon l'enquête de la Commission des plaintes électorales, environ un bulletin de vote sur quatre devra être invalidé. La Commission, dirigée par le Canadien Grant Kippen, s'est contentée de transmettre les taux de fraude dans quelque 3000 bureaux de scrutin suspects à la Commission électorale indépendante - l'organe afghan qui devra interpréter ces résultats.

En attendant, Democracy International a fait ses calculs. Selon cet organisme, 1,3 million de bulletins de vote, sur les 5,6 millions recueillis le 20 août, devront être invalidés pour cause de fraude. En vertu de ce décompte, le président Hamid Karzaï n'a plus que 48,3% des voix, contre 31,5% pour son principal rival, Abdullah Abdullah.

Les résultats préliminaires attribuaient 54% des voix à Hamid Karzaï, contre 28% pour son adversaire.

Commission partiale?

Le sort des élections afghanes est donc maintenant entre les mains de la Commission indépendante, qui avait été formée par Hamid Karzaï et qui est critiquée pour son absence de neutralité.

Hier, Abdullah Abdullah a reproché au gouvernement de faire pression sur la Commission pour qu'elle rejette les résultats de l'enquête. La Commission pourrait décider dès demain de l'opportunité d'un deuxième tour de scrutin.

Légalement, elle est tenue d'accepter les résultats reçus hier. Mais le fera-t-elle? «La Commission n'est pas en mesure de rejeter ces résultats sur le plan constitutionnel, mais cela ne signifie pas qu'elle ne le fera pas», a noté hier avec scepticisme un diplomate étranger.

La Commission s'est discréditée le mois dernier en publiant des résultats préliminaires accordant la victoire à Hamid Karzaï, alors qu'il y avait déjà des signes évidents de fraude, souligne Bill Gallery.

C'est l'une des raisons qui ont «miné la confiance» des électeurs afghans, estime-t-il. Cette confiance a été ébranlée à un tel point, selon lui, «que même si un deuxième tour devait se dérouler dans de bonnes conditions, les électeurs n'y croiraient pas.»

Issue politique recherchée

Au-delà de la question de la crédibilité du processus électoral se pose aussi celle de la sécurité. Dimanche, des manifestations de soutien à Hamid Karzaï ont eu lieu à Spin Boldak, dans le sud-est du pays. La tenue d'un nouveau vote pourrait exacerber les tensions qui opposent déjà les différents groupes ethniques en Afghanistan.

Et ce climat de tension pourrait durer longtemps: il sera de plus en plus difficile d'organiser des élections avant l'hiver, qui rend plusieurs régions inaccessibles.

C'est pourquoi de plus en plus de voix occidentales cherchent une issue politique à cet imbroglio. Une des solutions envisagées: convaincre Hamid Karzaï et Abdullah Abdullah de s'allier au sein d'un même gouvernement. Et éviter ainsi un nouveau tour de scrutin... dont les résultats risquent d'ajouter à la confusion.

Les chiffres du vote

Nombre de bulletins de vote dans le premier décompte: 5 662 758, dont 3 093 256 pour Hamid Karzaï et 1 571 581 pour Abdullah Abdullah

Nombre de bulletins de vote valides après enquête: 4 343 441, dont 2 097 454 pour Hamid Karzaï (48,3%) et 1 369 929 (31,5%) pour Abdullah Abdullah

Nombre de bulletins rejetés: 1 319 317

Source: Democracy International