D'intenses efforts diplomatiques se poursuivaient dimanche pour trouver une issue à la controversée présidentielle afghane, alors que les deux principaux candidats semblent prêts à travailler ensemble, selon le chef de la diplomatie française Bernard Kouchner.

Selon diplomates occidentaux et responsables afghans, il s'agit de convaincre le président sortant Hamid Karzaï d'accepter le résultat du scrutin, donc sans doute un second tour, ou à défaut un accord politique avec son principal rival, l'ancien ministre des Affaires étrangères Abdullah Abdullah, qui du coup obtiendrait des compensations.

«Je suis inquiet car il semble que tout le monde ne soit pas prêt à accepter les résultats», toujours pas annoncés, a confié à Kaboul le ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner, se référant à M. Karzaï.

Le ministre français, qui a rencontré séparément les deux candidats samedi et dimanche, a demandé «que les règles électorales acceptées par tous soient appliquées».

L'élection du 20 août a été entachée de nombreuses accusations de fraude massive. Principal accusé, M. Karzaï est en tête, selon des résultats préliminaires non purgés des bulletins de vote frauduleux, avec 54,6% des voix contre 27,8% à M. Abdullah.

Ces chiffres contredisent ceux révélés vendredi par le Washington Post, selon qui seulement 47% des électeurs auraient réellement voté Karzaï.

L'annonce des résultats définitifs semble imminente.

«Si aucun candidat n'atteint 50% (...), il y aura un second tour», a estimé M. Kouchner, l'un des nombreux hauts responsables occidentaux à avoir parlé aux deux candidats pour tenter de débloquer la situation.

Mais un second tour à la participation incertaine (37,8% au premier tour) n'arrangerait pas grand-monde, risquant de déstabiliser un pays déjà fragilisé par l'intensification de l'insurrection, jugent les observateurs, pour qui la solution la plus simple serait un arrangement à l'amiable entre les deux hommes.

D'après le ministre français, les relations Abdullah-Karzaï ne sont «pas trop mauvaises», et «il y a une vraie volonté de travailler ensemble» chez eux, «sur un programme commun» de gouvernement.

«Il y a plusieurs hypothèses», a-t-il expliqué: un second tour avant l'hiver, ou au printemps si c'est impossible avant, ou encore que «Abdullah ne se présente pas au deuxième tour», abandonnant légalement la victoire à M. Karzaï, de toute façon probable.

Dans ce dernier cas, M. Abdullah obtiendrait des compensations, en cours de négociation actuellement, explique un diplomate occidentale: participation à l'établissement du programme politique du futur gouvernement, création d'un «statut légal de principal opposant politique».

Il pourrait aussi être chargé d'une mission visant à réformer l'État afghan corrompu et inefficace, demande récurrente des Occidentaux qui l'ont remise sur la table cette semaine, ajoute le diplomate, qui résume: «une espèce de super-envoyé du président» chargé de faire le ménage.

La crise politique en cours exacerbe l'impatience occidentale face au conflit afghan, où plus de 100 000 soldats étrangers se battent contre les talibans.

Le commandant des forces internationales sur place réclamerait 40 000 soldats supplémentaires au président américain Barack Obama, qui n'a pas encore tranché.

Dans une interview à CNN, l'influent sénateur démocrate américain John Kerry a jugé «irresponsable» d'envoyer des renforts «alors que l'élection présidentielle (afghane) n'est pas achevée et que nous ne savons pas encore qui sera le président».