La série sanglante d'attaques qui a fait plus de 160 morts au Pakistan en 11 jours démontre que les talibans intensifient et étendent une guérilla que les autorités et les forces de sécurité ne semblent pas pouvoir contrer, estiment des analystes.

Depuis le début octobre, les attaques menées par les talibans, alliés au réseau Al-Qaeda, se succèdent presque quotidiennement dans ce pays musulman de 167 millions d'habitants, doté de l'arme nucléaire, visant de plus en plus fréquemment des zones éloignées de leurs sanctuaires du nord-ouest. Jeudi, des attaques coordonnées ont fait au moins 39 morts, dont 28 dans les tentatives d'assaut de trois installations de la police à Lahore, la capitale de la province du Penjab, dans l'est du pays, et 11 dans un attentat-suicide dans le nord-ouest.

Le week-end dernier, un commando avait attaqué le quartier général de l'armée, à Rawalpindi, près d'Islamabad, véritable camouflet pour les militaires.

«Ils sont engagés dans une guérilla. Ils étaient d'abord actifs dans la Province de la Frontière du Nord-ouest (NWFP) et ils agissent maintenant au Penjab. Ce sont des terroristes payés pour déstabiliser le Pakistan», a déclaré jeudi le ministre de l'Intérieur, Rehman Malik.

L'attitude de ce dernier montre bien le désarroi des autorités: depuis juin, M. Malik n'a de cesse d'annoncer une offensive terrestre de l'armée contre le fief des talibans, dans le district tribal du Waziristan du Sud, frontalier de l'Afghanistan, mais l'armée hésite à la lancer, se contentant de bombarder leurs repaires.

Et les yeux se tournent désormais vers ces militants qui agissent à des centaines de kilomètres de là, dans la province la plus peuplée et la plus riche du pays, le Penjab, grâce au soutien de groupes armés locaux.

«Nous ne sommes pas prêts à accepter le fait que le militantisme (islamiste) monte au Penjab. Ils travaillent désormais main dans la main avec les talibans pour défier l'État», analyse un expert sur la sécurité, Hassan Askari.

Selon les analystes, les talibans et leurs alliés ont surmonté les conflits internes pour la succession du chef et fondateur du Mouvement des Talibans du Pakistan (TTP), Baïtullah Mehsud, tué le 5 août par un missile américain, et ils entendent désormais dissuader l'armée de lancer son offensive au Waziristan.

«Ces attaques sont un avertissement au gouvernement et s'il ne renonce pas à cette opération, alors les attaques vont continuer», estime M. Askari.

Une offensive d'ampleur pourrait toutefois exposer l'armée à un désastre face à des dizaines de milliers de talibans locaux et combattants étrangers d'Al-Qaeda très aguerris, dans un milieu extrêmement montagneux ne se prêtant pas à l'acheminement des chars et de l'artillerie.

Si la question de l'opportunité d'une offensive dans ces zones est discutée, une opération similaire dans les zones densément peuplées du Penjab serait en revanche impossible.

Selon un expert des questions tribales et des talibans, Rahimullah Yousufzaï, «le gouvernement ne semble pas prêt à agir. Il est sur la défensive et il ne semble pas avoir développé une stratégie à long ou court terme pour contrer les attaques des insurgés», tranche-t-il.

Pour Ayesha Siddiqa, une spécialiste de la sécurité, «le gouvernement est dans le déni. Al-Qaeda et les talibans ont pénétré au coeur de leur zone d'influence, dans le Penjab, et il est aujourd'hui grand temps que le gouvernement et ses forces armées réalisent le danger», prévient-elle.