«Vous écoutez W. IED 102.5 FM La Bombe !», lance le sergent Todd Bowers en glissant une nouvelle cassette de chants religieux dans sa station radio mobile dans l'ouest de l'Afghanistan.

Radio W. IED: W, en référence à l'indicatif des radios de l'ouest américain. IED comme «Improvised explosive device» ou mine artisanale, l'arme de prédilection des talibans que les Marines déployés dans la province de Farah craignent par dessus tout. Alors que ses camarades combattent les insurgés M-4 à l'épaule, le sergent Bowers combat sur le front de la guerre des mots, de la propagande, pour gagner le coeur et l'esprit des Afghans de la province.

Sa radio, un émetteur et une antenne de 14 m plantée sur la base de Golestan, a permis à des villageois de renouer avec une musique interdite sous le régime des talibans.

«Dès que le mot est passé, des gens sont venus m'apporter des cassettes. Cette musique a un énorme impact», assure le sergent.

«Quand je traverse les vallées et diffuse de la musique pachtoune sur mes hauts-parleurs, les habitants sortent de chez eux, chantent et dansent», se réjouit-il.

L'antenne ouvre à 5H00 avec l'hymne national afghan et ferme à 23H00 sur la même note. Pendant 18 heures, elle diffuse des prières, les chansons demandées par les auditeurs et des messages du gouvernement et des forces de la coalition.

Mais cette semaine, W. IED a pris encore plus d'importance quand les talibans ont lancé la rumeur selon laquelle les Marines avaient profané une mosquée à Bakwa.

Dans la foulée, les insurgés ont obligé 200 civils à manifester violemment à Delaram, à 36 km de Golestan. Ces derniers ont enflammé des pneus et lancé des pierres sur les Marines et les soldats afghans.

Les militaires ont ensuite été accusés d'avoir tué 50 personnes dans l'émeute, dont un bébé.

«C'est une tactique habituelle», estime le capitaine Francisco Xavier Zavala, commandant du bataillon de Marines.

«L'ennemi tente de vous faire ouvrir le feu sur la foule. La propagande ensuite est énorme. C'est pourquoi il est si important d'avoir la confiance de la population», souligne-t-il.

Pour faire taire les rumeurs, le commandant local de l'armée afghane, Mohammad Anwar Sakra, a été appelé à la rescousse pour diffuser un message à l'intention des villageois.

«Les Américains respectent notre culture et notre pays. Avant de venir, ils ont retenu l'expérience des Russes», disait le message. «Ils ont étudié pendant quatre mois comment ne pas déshonorer nos femmes, nos chefs de tribus, nos mosquées et notre culture».

La radio touche potentiellement 40000 personnes dans 107 villages autour de Golestan. Et le message du commandant Sakra semble avoir été entendu puisque les anciens ont demandé à rencontrer d'urgence dimanche les Américains pour discuter des rumeurs.

Une centaine d'Afghans ont ainsi rencontré le capitaine Zavala. «Je connais les Marines depuis deux ans. Ils ont beaucoup de respect pour nos mosquées. Quoi que disent les talibans, ils ont tort», dit Faiz Mohammed.

Grâce à W. IED, les forces de la coalition n'ont plus besoin de larguer des tracts depuis leurs avions pour lutter contre les insurgés.

«J'ai transféré les cassettes sur un CD, puis les ai ajoutés à ma sélection iTunes», dit le sergent Bowers, qui mélange musique pachtoune et musiques de film produits par Bollywood.

Mais certains auditeurs apprécient peu les chants religieux, qui leur rappellent l'époque du joug taliban.

«J'aimerais bien écouter du jazz», dit Amir Ahmed, un Afghan de 24 ans.